DEPUIS DRUG WARS, EN 1990, BENICIO DEL TORO A ÉTÉ IMPLIQUÉ DANS DIVERS FILMS ABORDANT LA QUESTION DES STUPÉFIANTS. IL EST HALLUCINANT DANS PARADISE LOST ET SICARIO.

S’il ne fallait retenir qu’une chose de Escobar: Paradise Lost, d’Andrea Di Stefano, ce serait la composition de Benicio Del Toro, l’acteur portoricain s’y révélant modèle d’ambiguïté inquiétante. Pas une surprise, à vrai dire, dans le chef d’un comédien sachant comme peu d’autres rendre la complexité de ses personnages -on ne mentionnera que pour mémoire sa formidable incarnation du Che dans le film de Steven Soderbergh, le prix d’interprétation cannois à la clé. Et qui aura trouvé en Escobar un rôle taillé pour son imposante carrure, Dimitri Rassam, le producteur du film, n’affirmant d’ailleurs rien d’autre lorsqu’il soulignait: « Benicio Del Toro était le seul choix possible. Une réponse négative de sa part, et le film ne se serait pas fait. »

Des rôles sous influence(s)

Hasard ou coïncidence, Paradise Lost, suivi de Sicario aujourd’hui,vient s’ajouter à la longue liste de titres touchant de près ou de loin aux stupéfiants qu’aligne sa filmographie: « Les films sont inscrits dans leur époque, observe l’acteur, et j’ai de fait été impliqué dans pas mal de productions tâtant du problème de la drogue, une vague qui a probablement débuté dans les années 60 pour ne plus retomber depuis. L’un des premiers à l’avoir fait dans cet esprit est sans doute Easy Rider, qu’ont suivi The French Connection et ensuite Scarface. Pour ma part, cela a commencé avec une mini-série télévisée intitulée Drug Wars: The Camarena Story. » C’était en 1990, et l’histoire s’inspirait de celle d’un agent de la Drug Enforcement Agency américaine infiltré au Mexique, où il allait être abattu par des dealers –« une affaire compliquée », commente sobrement Del Toro. Depuis, on pourrait croire que ce dernier a fait le tour de la question, lui que l’on allait voir ensuite dans Fear and Loathing in Las Vegas de Terry Gilliam, Traffic de Steven Soderbergh (son portrait d’un flic de Tijuana impliqué dans la guerre des stupéfiants devait lui valoir un Oscar), Things We Lost in the Fire de Susanne Bier, Savages d’Oliver Stone, et jusqu’au Inherent Vice de Paul Thomas Anderson. Mais s’il confesse avoir joué la gamme quasi complète des rôles « sous influence(s) » ou liés aux trafics, « du type en prenant à but récréatif au junkie complètement dévasté; du tueur à gages au flic essayant de bien faire son boulot, et même Escobar, donc », c’est pour souligner dans la foulée l’étendue du sujet: « Un film comme Sicario peut s’implanter dans cet univers, adopter un modèle dramaturgique empruntant à Shakespeare ou à la tragédie grecque, et l’y appliquer, et cela va fonctionner. Le lot du cinéma, de la littérature et de toute forme d’art est de se nourrir de son temps, et je pense qu’à bien des égards, le film de Denis Villeneuve anticipe ce vers quoi nous allons. » Ce qui, pour tout dire, n’est pas la dimension la moins stupéfiante de l’affaire…

RENCONTRE Jean-François Pluijgers, À Cannes

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