Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

C’est Noël et Bob conduit – En proposant un disque de Noël – dès octobre -, Bob Dylan livre une Ouvre où il laisse poindre une rarissime mélancolie avouée, celle d’une jeunesse juive dans le Minnesota.

« Christmas In The Heart »

Distribué par Sony.

Le 34e album studio de Bob Dylan est un disque de chants de Noël, fait de 11 reprises de classiques enneigés et de 4 traditionnels réarrangés par le prince des misanthropes en personne. Le disque commence d’ailleurs par une branlée de jingle bells et le rythme sapin en congelé de Here Comes Santa Claus: la chanson est de Gene Autry (le Cowboy chantant) et Oakley Haldeman. Elle est sortie en 1947, année où Bob Dylan fête ses 6 ans, un âge où on est généralement sensible aux couleurs rouges de St Nicolas. Ce qui confirme aussi cette chose incroyable: Bob Dylan a été, un jour, un enfant. S’il a décidé d’ouvrir l’album par un tel standard, on peut penser qu’il en a gobé la mélodie lors des innombrables passages en radio du morceau, 9e aux charts de l’époque. Dylan est juif – bien sûr – et a passé quasi exclusivement ses 18 premières années à Duluth puis Hibbing, 2 villes du Minnesota où la communauté juive est plutôt restreinte. Cet état frontalier du Canada où les hivers font geler la pierre n’est ni le plus développé, ni le plus hype, des années 40. Dylan y naît en 1941. On peut donc imaginer que Noël est l’une des rares enluminures récurrentes de Hibbing, assez loin des California Girls ou de la frénésie beat de New York. Un repère même quand on ne le fête pas officiellement, comme chez les Zimmerman.

Soul man

Ce disque de 42 minutes utilise Noël comme la métaphore d’une certaine Amérique. Laquelle? Celle des sonorités moletonnées des Andrew Sisters(1), du gospel blanc des Jordanaires – accompagnateurs d’Elvis – et bien sûr d’Elvis lui-même, première idole décisive de Dylan, qui sort son historique Christmas Album en 1957. D’où ces ch£urs épais comme du flocon et ces glissements de pedal-steel paradisiaque qui viennent caresser la tête des petits et des grands enfants. Dylan croasse de sa voix vinaigrée dans cette masse de sucre candy et le résultat est bizarrement agréable. Faut entendre vieux Bob chanter Little Drummer Boy(2) pour réaliser qu’il est vraiment immergé dans son trip, allant jusqu’à causer latin dans O’Come All Ye Faithfull, un hymne qui remonterait au XIIIe siècle. A la beauté naturelle de toutes ces mélodies de Papa Crooner, Bob ajoute son propre goût pour les arrangements roots ( Have Yourself A Merry Little Christmas, Must Be Santa) qui peuvent donner le sentiment qu’on est dans un bel album produit par Daniel Lanois. Le fait que le chanteur ait connu sa période  » born again christian » à la fin des années 70 n’a pas forcément d’importance dans le choix de faire un tel disque, un tel anachronisme: Dylan a de toute façon l’âme religieuse et ceci est une façon light de le rappeler. Il a aussi l’âme généreuse puisque tous les profits réalisés par l’album seront versés à des organisations anglaises et américaines en lutte contre la faim.

(1) Ces 3 véritables s£urs également originaires

du Minnesota vont placer pas moins de 113 hits dans les charts américains entre 1937 et 1951.

(2) Écrit en 1941, devient un énorme tube – récurrent – à la fin des années 50, l’une des plus étonnantes versions étant le duo entre Bing Crosby et David Bowie pour la télé anglaise en 1977…

Philippe Cornet

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