Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avec le magnifique Immunity, l’Anglais Jon Hopkins livre un album techno dense, à la fois planant et touffu. Believe the hype!

JON HOPKINS

« Immunity »

Distribué par Domino.

****

Il y aurait actuellement comme un retour de flamme. Une tendance, un poil réac’, qui voudrait que le règne des machines a fait son temps (un sample, un seul, sur le dernier Daft Punk). L’émotion, la vraie, dans la dance music et ailleurs, serait donc d’abord et avant tout le fait d' »authentiques » instruments, enregistrés en studio. Oui? Mais non… Un contre-exemple: Jon Hopkins. Son nouvel album, Immunity, déboule pile poil pour démontrer que la musique électronique, y compris dans ce qu’elle peut avoir de plus « mécanique », reste le refuge de sensations fortes et imprévisibles.

L’affaire est évidemment plus compliquée que ça. L’Anglais (Londres, 1979) affiche par exemple une formation de pianiste classique. Il aurait même pu devenir professionnel et intégrer des orchestres, mais a préféré bifurquer -trop « carré » pour lui. A la place, il a choisi de rejoindre le backing band de la chanteuse Imogen Heap, avant de croiser un peu plus tard Brian Eno, et de devenir un collaborateur régulier du gourou de l’ambient music. On le retrouve ainsi au générique de ses albums (Small Craft on a Milk Sea), mais aussi de ses productions: par exemple sur le dernier Coldplay -la plage Life in Technicolor est directement inspirée de Life Through the Veins, que l’on retrouve sur son Insides, sorti en 2009.

Quatre ans, une B.O. (celle du film Monsters) et un disque avec l’Ecossais King Creosote (Diamond Mine) plus tard, voici donc Immunity. Quatrième album du bonhomme, il est en train de faire le buzz chez les amateurs de musique électronique. A raison. Et sans esbroufe: il y a quelque chose de très classique dans la techno-ambient d’Immunity. Ou mieux encore: après quelques écoutes à peine, il sonne « comme » un classique. Soit un album qui se suffit à lui-même, un monde en soi, à la fois autarcique et hospitalier.

Avec ce nouveau disque, Jon Hopkins s’est donné pour objectif de livrer la B.O. d’une nuit. Il trace son esquisse en une heure parfaite et huit morceaux. Sombre et abrasif, We Disappear plante le décor: urbain, fragmenté, tendu et en même temps déjà un poil mélancolique. Virée imaginaire sur autoroute, Open Eye Signal augmente un peu plus le tempo. Breathe This Air sert d’accalmie, et permet à Hopkins d’introduire un piano pointilliste, avant que les neuf minutes de Collider et ses soupirs féminins ne remettent une couche d’angoisse sur tout ça. C’est aussi la charnière du disque. A partir de là, Hopkins débraye (le contemplatif Abandon Window), et se laisse dériver tranquillement (Form by Firelight, Sun Harmonics) jusqu’aux premiers rayons du soleil, planant sans être éthéré, proche d’une béatitude « balearic » sans virer forcément baba. Immunity clôt le disque: un bois qui grince, quelques notes de piano en apesanteur, la voix trouble de King Creosote… Le jour se lève. Et malgré la fatigue et la langueur qui accompagnent la nuit blanche, on a presque envie d’y croire…

En concert le 19/07, aux 10 Days Off.

Laurent Hoebrechts

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