Dans la foulée de Barack Obama, inextricablement attaché à son Blackberry, l’Amérique de la rue se présente comme obsédée par le petit écran portable…

Ce n’est pas une fiction mais cela pourrait l’être. L’affaire commence le 16 janvier lorsqu’un agent de la sécurité ramasse le Blackberry présidentiel tombé sur le tarmac de l’aéroport de Washington DC. Obama, comme un million d’autres fonctionnaires américains, utilise avec frénésie ce smartphone mis au point par une société canadienne, RIM (Research In Motion). L’appareil permet de lire en temps réel les courriels les plus lourds. On sait aussi que son succès aux Etats-Unis a suscité de multiples sous-genres d’utilisation, l’un des plus inattendus étant sa version crackberry, en référence aux dealers de la célèbre drogue cocaïnée qui utilisent le smartphone pour leurs petites affaires… Après des négociations fermes avec les divers services de la sécurité nationale US, Obama est autorisé à conserver un smartphone, pas un Blackberry mais un autre appareil fonctionnant sous Windows CE, un General Dynamics. Un changement qui n’empêchera personne de dormir, sauf peut-être les quelques millions d’adorateurs de la mûre, ce drôle de fruit numérique que, tout récemment, nous découvrons cultivé à très grande échelle dans les rues de New York.

Ray est le sujet du jour: vingt-huit ans, Américain d’origine thaïe ne quittant jamais – ou presque – l’île de Manhattan, et heureux propriétaire d’un Blackberry. La petite chose, dotée d’un écran xsmall et d’un clavier pareillement junior, est l’équivalent informatique du tamagotchi. Ray lui parle, le caresse, le couve. Il est généreux, le forfait garantit de toute façon un usage illimité. On a l’impression que Ray se l’est fait greffer au creux de la main. Ray a une explication: ingénieur du son, il doit pouvoir répondre au plus vite aux commandes pressées qui zappent très vite si l’interlocuteur ne réagit pas d’emblée au message.

Le nouveau rêve américain

New York est rempli de Ray, au restaurant, dans les ascenseurs, les taxis, les bars, les toilettes, marchant sur les trottoirs encombrés tout en tapant consciencieusement des textes mitraillettes. Il n’existe pas d’école pour manier le BB mais il faut assurément un cursus d’équilibriste pour avancer tout en jouant à la dactylo sans percuter un manipulateur faisant exactement la même chose en sens inverse. Ray mange, dort, baille, rit, travaille et joue dans un périmètre dessiné par le réseau BB. En dehors, c’est le grand vide métaphysique. Ray fait partie d’une vaste confrérie où l’on trouve bien sûr des apprentis boursicoteurs, taillés dans du deux-pièces Wall Street et collectionnant peut-être les bretelles vintage des yuppies eighties, mais aussi des jeunes femmes en Abercrombie & Fitch (autre cliché), des djeunes à casquette de travers, des travailleurs en chemises de bûcheron, des grands-mères juives et des femmes voilées. Un instant, on imagine le pire: et si Ray perdait son Blackberry?  » J’en ai un de rechange dans mon sac à dos », répond-il, triomphant. Le rêve américain était de deux voitures par famille, il est passé à deux Blackberry par personne. On se demande si on ne préférait pas encore le premier mirage. l

DE PHILIPPE CORNET

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