« The Complete Remastering Recordings On Black Saint & Soul Notes »

9 CD Set Cam BXS 1009 ( Harmonia Mundi)

Il fut pour la trompette ce que furent Ornette Coleman & John Coltrane pour les saxes alto et ténor, Cecil Taylor pour le piano, Peter Kowald pour la contrebasse et Milford Graves pour la batterie: un révolutionnaire redéfinissant l’instrument dans le cadre de la New Thing. Pas un monstre de technique comme la plupart des précités, mais un penseur qui voyait loin, un enseignant qui forma des générations de musiciens (de Jacques Coursil à Noah Rosen), par sa pratique ou son enseignement dispensé au Bennington College. Il se fit connaître en organisant La Révolution d’octobre du jazz en 1964 alors qu’il venait de rejoindre le New York Contemporary Five d’Archie Shepp -avant, 2 ans plus tard, d’intégrer le sextette de Cecil Taylor et d’enregistrer un des chefs-d’£uvre absolus du pianiste, Conquistador. Pourtant, malgré sa longévité (il est décédé le 16 juin à 85 ans), sa discographie serait restée confidentielle, sinon anecdotique, si le label italien Soul Note n’avait régulièrement documenté son travail entre 1980 et 2000. C’est cette somme que réunit ce petit coffret minimaliste pour un trésor musical décliné en 9 disques. Les 2 premiers albums, Bill Dixon In Italy vol. 1 & 2, le retrouvent en compagnie d’un formidable groupe réunissant, outre lui-même, 2 autres trompettistes, Arthur Brooks et son élève Stephen Haynes, le saxophoniste Stephen Horenstein, l’ensemble étant soutenu par une formidable section rythmique composée du bassiste Alan Silva et du batteur Freddie Waits. Enregistrée en juillet 1980, la musique s’inscrit pour le meilleur dans les canons du free jazz tels que Conquistador les a fixés. November 1981, qui lui succède un peu plus d’un an après, est d’une eau toute différente. Enregistré en quartet sous forme d’un double album vinyle, Dixon est entouré de 2 contrebasses, celles de Mario Pavone et de Silva, ainsi que de la batterie de Laurence Cook pour le chef-d’£uvre du coffret. Dixon, à travers un son grave qu’il a toujours affectionné sur son instrument, propose ici une musique infiniment plus personnelle, tournant autour de compositions de proportions généreuses à l’exception du titre introductif de 84 secondes, intitulé Webern, qui prend valeur de manifeste par la part que ce disque offre, titre après titre, au silence et aussi pour le poids que pèsera désormais la musique contemporaine européenne dans le disque et l’£uvre à venir. Les albums qui suivront ne dévieront plus de cette voie dans laquelle le musicien et compositeur a décidé de s’engager. Bill Dixon n’aura jamais été un chantre de la Great Black Music, du moins telle que l’entendaient à cette époque les membres de L’AACM de Chicago. Il semble surtout avoir recherché une voie où l’on puisse combiner une liberté instrumentale appartenant à l’histoire du jazz et la  » mélodie de sons » chère à Anton Webern. Thoughts sera la continuation légèrement convenue de la révolution de November. Pavone et Cook sont cette fois rejoints par Peter Kowald et William Parker (contrebasses), John Buckingham (tuba) et le saxophoniste Marco Eneidi, dernière apparition de cet instrument chez le trompettiste. Son of Sisyphus débute avec un duo entre la contrebasse de Pavone et le piano de Dixon qui ne cache nullement l’influence du jeu de Cecil Taylor sur le sien.

Surtout, même si l’album affiche de plus riches combinaisons instrumentales, il amorce une autre évolution chez Bill Dixon, celle de l’épure, du dénuement. Si Vade Mecum 1 & 2, enregistrés à 3 années de distance, reviennent à la formule de November 81, avec 2 bassistes (Barry Guy, Parker) et un batteur, ils retrouvent non seulement une bonne partie de la force du prédécesseur mais surtout scellent la rencontre du leader avec le batteur Tony Oxley, déjà partenaire privilégié de l’ancien mentor de Dixon, Cecil Taylor. L’alchimie entre les 2 musiciens se révèlera si foudroyante que les 2 hommes, en 2000, enregistreront 2 albums en duo, les formidables Papyrus 1 & 2, dans un tête-à-tête où le degré d’investissement de chacun dépasse la simple confrontation de 2 egos pour atteindre à une forme d’accomplissement musical pour les 2 hommes.

Ph.E.

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