DU GUATEMALA AU CHILI AVEC DÉTOUR PAR L’ARGENTINE, TROIS FILMS RÉUNIS PAR L’ACTUALITÉ DVD EXPLORENT DE MANIÈRE INSPIRÉE LA RÉALITÉ ÂPRE DE L’AMÉRIQUE LATINE.

El Club

DE PABLO LARRAIN. AVEC ALFREDO CASTRO, ANTONIA ZEGERS. 1 H 33. DIST: TWIN PICS.

8

Ixcanul

DE JAYRO BUSTAMANTE. AVEC MARIA MERCEDES COROY, MARIA TELON. 1 H 28. DIST: TWIN PICS.

7

La Tierra roja

DE DIEGO MARTINEZ VIGNATTI. AVEC GEERT VAN RAMPELBERG, EUGENIA RAMIREZ MIORI. 1 H 41. DIST: TWIN PICS.

7

Couronnant judicieusement l’incontournable Taxi Teheran, de Jafar Panahi, le jury de la Berlinale 2015 saluait aussi l’émergence d’un jeune cinéma latino-américain en octroyant son Grand Prix au réalisateur chilien Pablo Larrain pour El Club, tandis que le Guatémaltèque Jayro Bustamante obtenait le prix Alfred Bauer pour son premier long métrage, Ixcanul, deux films désormais disponibles en DVD.

Pablo Larrain n’est pas un inconnu: culminant dans le formidable No, sa trilogie sur les années Pinochet a ainsi marqué les esprits. El Club se penche sur un sujet non moins sensible, puisqu’il y est question de prêtres soustraits par l’Eglise chilienne à la justice des hommes. Ils sont quatre en l’occurrence, confiés à la garde de soeur Monica, pour couler une retraite guère spirituelle dans une petite ville côtière où ils passent le plus clair de leur temps à entraîner un lévrier à l’abri des regards. Routine interrompue par l’arrivée du père Matias, en qui un pauvre hère du coin va reconnaître celui qui l’avait abusé enfant, les autorités catholiques dépêchant bientôt un enquêteur afin de remettre l’église au milieu du village. S’appuyant sur une mise en scène crépusculaire bien de circonstance, Larrain inscrit son propos dans un horizon définitivement trouble. Oppressant, le huis clos n’en apparaît que plus fort, orchestrant au son d’Arvo Pärt une stupéfiante plongée au coeur des ténèbres. Un film magistral, qu’accompagne une longue conversation avec l’auteur.

Ixcanul n’est guère moins singulier, qui retrace au-dessous d’un volcan le destin de Maria, jeune Indienne maya promise à l’intendant de la plantation de café où travaille sa famille, mais rêvant d’un eldorado américain que lui fait miroiter Pepe, un ouvrier saisonnier. Jayro Bustamante mêle quotidien âpre et aspirations spirituelles dans un film revêtant une dimension ethnographique inusitée, à quoi s’ajoute le portrait d’une jeune femme écartelée entre deux mondes, héroïne frémissante d’un film aux contours aussi étranges que fascinants.

On complètera ce panorama par La Tierra roja, remarquable film du cinéaste belgo-argentin Diego Martinez Vignatti, récent lauréat du prix des lycéens. Soit, serti dans un cadre d’une sauvage beauté, le combat d’habitants de la province de Misiones, au nord-est de l’Argentine, contre une multinationale exploitant la forêt au mépris de l’environnement et de la population. Une lutte se cristallisant autour de Pierre (Geert Van Rampelberg, imposant), un expatrié belge confronté à un délicat dilemme moral, pour une oeuvre conciliant avec force conscience politique et souffle épique. Making of en bonus.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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