Le Los Angeles de la musique revit. Health, en concert le 12/04 au festival Domino, incarne ce souffle nouveau. Audio-guide.

Si la puissante et hégémonique industrie hollywoodienne, l’usine à rêves qui écrit votre nom sur le trottoir pour mieux le piétiner dans la foulée de ses talons hauts et pompes du dimanche, a de tout temps accaparé l’attention, Los Angeles s’écoute autant qu’elle se regarde.

L.A. a enfanté le cool jazz de Chet Baker, le garage plus ou moins crade des Seeds, Standells et des Prunes électriques, le psychédélisme des Doors, des Byrds, de Love et de Zappa, la pop des Monkees et des Beach Boys, le rap west coast de Dr Dre, Ice Cube et Snoop Dogg… Jeffrey Lee Pierce avait beau en parler comme d’un  » grand désert puant et emmerdant rempli d’alcooliques« , le psychobilly du Gun Club, le hard rock des Guns’N’Roses, le punk hardcore de Black Flag, l’icône de la nation alternative Jane’s Addiction, la fusion funk rock de Fishbone et des Red Hot, le rap rock de Body Count et de Rage against the machine, le métal de Tool ou encore les bricolages de Beck ont tous été marqués du sceau, du son, de L.A.

Après la gloire des années 90 (à laquelle ont encore contribué Ben Harper ou Weezer), quelques années de purgatoire (combien de daubes, de Maroon 5 et de Velvet Revolver pour un Warlocks?), la cité des anges semble retrouver la grâce des dieux du rock. Ce n’est toutefois pas sur les épaules chevelues de Sunset Strip que ceux-ci sont partis se poser. Le paradis des clubs, mythique tronçon menant du Roxy au Viper Room (devant lequel est mort River Phoenix) n’a plus d’autre intérêt que ses fantômes. « Ce n’est pas une histoire d’attention médiatique. Pendant longtemps à L.A., ça a été le néant, assure John Famiglietti. Avant 2005, il ne se passait rien. Je suis arrivé en 2002, c’était la catastrophe. Il y avait des tas de concerts, une communauté, un public mais pas vraiment de groupes autochtones intéressants. »

Originaire de San Diego, le bassiste de Health a rejoint Los Angeles afin d’y étudier le cinéma – « le métier de réalisateur, pas d’acteur ». Il a depuis fait son trou dans la musique indé. Health incarne avec Abe Vigoda et autre No Age la nouvelle scène underground locale. Health, c’est un groupe noisy. Déconstructiviste.

Son guitariste et chanteur Jupiter Keyes habite dans une petite maison d’Echo Park. Quartier mexicain envoie de gentrification. Le genre d’endroit où personne n’appelle la crise un leurre. « La mère de mon jeune voisin vient de perdre son boulot et sa maison. Depuis peu, elle doit dormir chez lui, là, à côté, sur le fauteuil du salon. »

Smell like teen spirit

Comme des tas de groupes angelenos (entre 400 et 500), Health répète dans un immense bâtiment industriel tenu par Dave Mustaine, le leader de Megadeth, ancien membre de Metallica. « Il a déjà essayé de nous virer deux fois, raconte Jupiter. Moi, j’y vais depuis environ cinq ans. Nous y composons nos morceaux depuis la création de Health. Tous les groupes de la ville s’y retrouvent. Quel que soit le style de musique qu’ils pratiquent. Les Melvins bossent là-bas. Mike Patton y était souvent avant de déménager à San Francisco. Pour tout vous dire, Mae Shi et No Age sont par le plus grand des hasards nos voisins. »

Tous ces groupes n’entretiennent aucun lien de parenté avec le Strip et sa parodie de mythe rock’n’roll. Leur scène s’est développée il y a trois ou quatre ans avec la maturation des Mae Shi et de Mika Miko. « Nous n’avons pas grand-chose en commun musicalement. Mais nous sommes des groupes de rock Do it yourself qui n’ont rien à voir avec Hollywood ou Silverlake. Black Flag est un incroyable modèle. En même temps, nous avons tous des tourneurs maintenant… Nous étions DIY (ndlr: do it yourself) mais l’est-on resté? Au Smell oui. »

Le Smell est une salle de concert située downtown. Des graffitis comme  » Les branchés sont desemmerdeurs » y tapissent les murs. Les gosses y ont accès à une salle de répétition. Mais la plus grande particularité du lieu est d’être encore ouvert. « La plupart des clubs du genre s’éteignent rapidement, explique John . Parce qu’ils tombent dans l’illégalité. Soit des incidents y surviennent, soit le public ne suit pas. Ces endroits vont et viennent. Ils durent un an, quelques mois. Tout le monde en parle. Puis un gosse déconne. »

« Un mec de 17 ans picole et t’es foutu, ponctue Jupiter. Durer deux ans tient de l’exploit. Le Smell existe depuis maintenant une décennie. Sans doute en partie parce qu’on ne peut pas y consommer d’alcool. ça évite les complications. Faut aller au bar gay à côté. Les gens ne se rendent au Smell que pour la musique. »

Health connaît bien les lieux. C’est là que le quatuor noisy a enregistré son premier album. Tous les matins avant que les groupes programmés le soir débarquent pour leur soundcheck. « L’acoustique y est très particulière. Caverneuse. C’était l’endroit le plus chouette qu’on puisse trouver. Nous n’avions pas beaucoup de pognon mais nous voulions un son particulier. «  Le quartier n’était pas très rassurant à l’époque.  » Nous nous sommes même dit à certains moments que nous allions nous faire agresser, rigole aujourd’hui Keyes. Je me souviens qu’un beau jour un mec attendait près de l’entrée avec ce que je supposais être un couteau. Le gars plus costaud avec qui il traînait tout le temps n’était pas dans les parages. Et je savais John à l’intérieur tout seul. J’ai pensé que le type l’avait capturé, attaché sur une chaise… Ce n’était pas le cas mais le lendemain, j’y suis quand même retourné avec un flingue qui appartenait à ma grand-mère. Je tiens à préciser qu’il n’était pas chargé et que je ne l’ai jamais utilisé. »

Health a enregistré son nouveau disque, prévu pour l’été, et donc son nouveau single, en des terres un peu moins hostiles. Quoique. « Lincoln Heights est un quartier un peu craignos mais pas cher. On ne nous a pas fauché nos instruments mais on nous a conseillé de nous méfier. De ne pas sortir dans la rue passer un coup de fil avec notre GSM une fois la nuit tombée. »

Dites-le avec des fleurs. Los Angeles n’est pas San Francisco mais la ville revit aussi à travers ses hippies. Ses good vibes. Un folk plus ou moins ensoleillé que n’entretiennent pas seulement les « étrangers », au hasard le Stroke new-yorkais Fab Moretti (Little Joy), qui s’y est momentanément installé. Mais aussi des Devendra Banhart, Lavender Diamond et les méconnus Winter Flowers. « Quand vous dites que vous venez de Los Angeles, les gens font souvent la grimace mais les choses sont en train de changer. » l

www.myspace.com/healthmusic

Health en concert le 12/4 à l’ AB ( Bruxelles) et le 23/4 au Grand Mix ( Tourcoing).

Rencontre Julien Broquet, à Los Angeles.

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