Un biopic de Tom Gries avait fait de lui The Greatest au crépuscule des années 70. Quant à I am Ali, le documentaire que lui consacre aujourd’hui Clare Lewins, il se propose, après d’autres évocations, de porter un regard différent sur Muhammad Ali, entendant cerner l’homme derrière le mythe. Une entreprise conduite à grand renfort d’interventions de ses proches -ses enfants, ou son ex-femme, par exemple-, de légendes de la boxe -son manager Gene Kilroy, son rival malheureux George Foreman, et même Mike Tyson-, et d’autres encore, comme le chanteur Tom Jones. Et une compilation de témoignages venant éclairer différents aspects de la vie de l’icône, et que relèvent d’étonnantes archives audio -ainsi en particulier des enregistrements d’Ali conversant avec ses enfants, alors tout jeunes.
Difficile d’approcher une légende, toutefois. Et s’il y a là diverses sources inédites, l’impression d’ensemble tend à l’hagiographie, avec les limites que cela suppose, chacun semblant surtout s’employer à tresser une couronne de lauriers à Ali. Et cela, qu’il s’agisse de ses filles évoquant un papa aimant, ou de Foreman saluant, au-delà du boxeur, le plus grand homme qu’il ait jamais rencontré. Et ainsi de suite, entre le fan anglais généreusement accueilli par son idole à L.A., et le fils de Joe Frazier racontant, ému, comment les deux champions finirent par se réconcilier. Soit un cortège de louanges lui taillant un profil intime généreux et sensible, en complément à une image publique faite d' »attitude » et de charisme -si Ali est devenu une icône, c’est aussi parce qu’il sut incarner, comme peu d’autres, les luttes, sociales et politiques, emblématiques de son temps.
Revoir les hauts faits de son parcours demeure d’ailleurs un vrai bonheur, tant rayonne là une personnalité hors du commun. « Il était né pour la grandeur », observe son frère, et on peut difficilement le contredire, à réentendre Ali mettre sa faconde au service de sa conscience politique -s’élevant contre la discrimination raciale, ou refusant d’être enrôlé au Vietnam-, ou à le voir virevolter sur le ring, ou plutôt, suivant sa propre expression, « flotter comme un papillon, piquer comme une abeille. » La conclusion appartient à Gene Kilroy, son manager, qui constate: « Muhammad Ali was more than a Fighter, he was the King of the World. »
Pour s’en convaincre, il suffit de revoir When We Were Kings, magistral documentaire que consacrait, en 1997, Leon Gast au « Rumble in the Jungle », le combat qui devait l’opposer à George Foreman, le 30 septembre 1974, à Kinshasa. Et qui allait consacrer la victoire de l’intelligence et de la stratégie sur la force, Ali mettant le peuple zaïrois dans sa poche avant d’expédier son adversaire au tapis au son de « Ali boma ye ». Quarante ans plus tard, l’effet reste indescriptible, ce que ne dément pas Foreman qui, dans I am Ali, raconte comment, alors qu’ils s’époumonait à vouloir pulvériser son adversaire de ses frappes de mule, Ali lui chuchota, à la fin du 6e round, « C’est tout ce dont tu es capable, George? », le déstabilisant avant de l’étendre pour le compte deux reprises plus tard, épuisé…
I AM ALI, DOCUMENTAIRE DE CLARE LEWINS. 1 H 51. DIST: UNIVERSAL. SORTIE: 05/11.
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J.F. PL.
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