Nous avons vécu Cannes depuis Bruxelles. Et c’était bien comme ça. Aigrie, nous? Peut-être.

20 h 05… Charlotte Gainsbourg, fraîchement auréolée de son prix d’interprétation féminine, chuchote ses remerciements, et espère que son père, d’où il est, est à la fois fier et choqué par sa prestation dans le film polémique Antichrist. Et pffffiou, le palais des Festivals s’évanouit et Be 1 invite les téléspectateurs à passer sur Be Ciné pour suivre la suite des réjouissances cinématographiques, parce que maintenant, ouste, place au foot. Be Ciné n’est accessible qu’aux abonnés: dans le village global assailli d’images, dans l’univers de l’instantané, où tout se filme, où tout se montre, les événements de l’année – tant pour les amateurs de sport que de salles obscures – n’ont pu être visionnés que par un tout petit nombre. De quoi gâcher quelque peu la fête du cinéma (qui, chaperonnée par une Isabelle Huppert au sommet de sa froideur, n’était déjà pas folichonne en soi). Direction Facebook, où le palmarès s’égrène instantanément via le statut des cinéphiles et des détenteurs d’accréditations alimentant leur profil via smartphone, tandis que Belga et les sites que l’agence de presse approvisionne sont à la traîne. Voilà l’épilogue d’un Festival de Cannes suivi depuis son fauteuil et qui, loin des pipoleries et des émotions méditerranéennes, semblait cette année bien fadasse. Près de l’action aussi, paraît-il, la morosité avait fait son petit travail de sape: les cadeaux destinés aux festivaliers étant particulièrement cheap cette année, tout comme les boissons offertes dans les soirées de la Croisette. La crise, qu’on dit. Un festival, qui, depuis le canapé du salon, faisait résonner d’une ironique manière l’accident de son président Gilles Jacob, heurté par une voiture et apparu le bras en écharpe. Un peu diminué, quoi.

Raté!

Mais c’est peut-être uniquement notre aigreur qui parle… Nous qui restions au pays tandis qu’un grand nombre de nos potes et collègues copinaient avec de la star internationale au bord de la mer. Ceci dit, et c’est une fameuse consolation, c’est parfois loin de Cannes que le Festival iodé exhale ses plus savoureux arômes. Ne pas être prisonnier de la frénésie de la fête du cinéma permet une vue d’ensemble plutôt intéressante. Un comparatif, par exemple, entre les pronostics des organes de presse à notre disposition – nos envoyés spéciaux, eux, ont à peine le temps d’écrire leurs bafouilles, alors lire celles des autres, vous pensez bien… Le week-end dernier, on entendait notamment Radio Contact prier pour que le jury fasse le pari de l’accessibilité et snobe le dernier von Trier (raté!), Le Soir palmer d’or Etreintes brisées d’Almodovar (raté aussi); et tous de prédire qu’Isabelle Huppert ne primerait pas Michael Haneke (qui l’a dirigée dans La pianiste et Le temps du loup) sous peine de se voir taxée de favoritisme. Tout le monde a eu tout faux! Et c’est tant mieux. Parce que cela prouve qu’en matière de cinéma en particulier, et de culture en général, personne n’a raison. Réjouissant, non?

DE myriam leroy

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