Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

De Sébastien Guyot et Gilles Verlant, éditions Fetjaine, 96 pages.

Le titre de cet ouvrage carré (24 cm x 24) et très illustré sonne comme une métaphore chargée. Il a pourtant le mérite de dévoiler la crudité de cette année-là: crudité des corps et de la musique qui sexposent (…) à Woodstock, Wight et Amougies, crudité de la lumière lunaire de la mission Apollo XI, crudité de l’assassinat de Sharon Tate par la bande défoncée de Charles Manson, crudité vitriolique des couvertures de Hara-Kiri. Dans leur façon de digérer 1969, Guyot/Verlant – déjà responsables d’un bouquin jumeau sur 1968… – pratiquent le sujet comme un steeple-chase: en chevauchant les thèmes un à un, on doit bien finir par savoir si le canasson tient la route. Affirmatif dirait peut-être le Général de Gaulle, l’un des perdants de l’année, obligé de se retirer après un référendum qui tourne en sa défaveur. Politiquement, les graines de 1968 ont germé mais les mauvaises herbes bouffent l’espoir: la Tchécoslovaquie se prend un solide retour de bâton à la russe et les Etats-Unis bombardent toujours les libertés vietnamiennes. A domicile, les Black Panthers passent régulièrement par la case prison. En France, pièce de résistance de l’ouvrage – qui, via Verlant, accorde aussi un peu d’espace à la Belgique -, le pouvoir de Pompidou est celui d’un Etat centralisateur, voire moralisateur. La question est joliment abordée dans le chapitre  » Plein les yeux: télé, livres, bédé et ciné ». D’un côté, les 2 timides chaînes de télévision – la couleur y débarque à peine – supervisées par les censeurs… et rythmées par le Schmilblick, jeu fameux et familial adapté d’une idée radio. De l’autre, une débauche de bacchanales irrespectueuses dans les BD de Gotlib ou les comics US sous le crayon carnassier de Crumb. Sans oublier la provoc régulière des désormais historiques couvertures de Hara-Kiri, illustrées façon gros dégueulasse par un Reiser de 28 ans. Tout cela est rincé d’une abondante série de vignettes pop: elles célèbrent 1969 comme année érotique certes, mais aussi comme celle du premier King Crimson, du Tommy des Who et des spasmes pré-punk du MC5 ou des Stooges. Cet almanach pas vain en mots – ni en images – l’a digérée pour vous.

Philippe Cornet

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