Créature céleste – Peter Jackson renoue avec une inspiration voisine de celle de Heavenly Creatures pour signer un thriller oscillant entre ombre et lumière, réalité sordide et au-delà.

De Peter Jackson. Avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Stanley Tucci. 2 h 08. Sortie: 10/02.

Adapté du roman éponyme d’Alice Sebold, Lovely Bones (« La Nostalgie de l’Ange », dans sa traduction française) voit Peter Jackson tourner provisoirement le dos aux grosses productions façon Lord of The Rings et autres King Kong, pour renouer avec une inspiration voisine de celle de Heavenly Creatures. Comme dans celui-là, qui relatait l’amitié obsessionnelle de 2 jeunes filles sur arrière-plan de meurtre, le moteur de l’histoire est un fait divers sordide; motif dévoilé d’entrée de jeu avant que le film ne gagne d’autres horizons, que l’on ne saurait mieux qualifier que de célestes. Un principe que le réalisateur néo-zélandais applique ici littéralement, puisque Lovely Bones nous est conté d’entre les morts par la voix de Susie Salmon, une jeune adolescente qui nous révèle les circonstances tragiques qui conduisirent à son assassinat un soir de 1973, laissant les enquêteurs démunis, et sa famille sans autre ressource que le désespoir. Versée dans un au-delà éthéré, la victime (Saoirse Ronan, justement diaphane) entame bientôt un curieux dialogue avec le monde des vivants, observant l’avancement des recherches en même temps que la désagrégation familiale, cela sans perdre de vue son meurtrier…

Thriller hanté

Judicieusement ancré dans une réalité quelconque, celle de la Pennsylvanie des années 70, Lovely Bones puise dans son apparente banalité (difficile aussi, à cet égard, d’imaginer plus neutre que Mark Wahlberg, père guère à son affaire, en particulier face à un stupéfiant Stanley Tucci) un caractère universel et une résonance accrue. Sondant le deuil d’un enfant, et évoluant au confluent de l’amour et de la douleur sans jamais pour autant sortir la grosse artillerie du pathos, le film produit une musique funèbre d’une sourde intensité, que n’altèrent en rien les fréquentes interférences surnaturelles. C’est là l’une des forces de Jackson, qui réussit à inscrire Lovely Bones au croisement de 2 mondes sans que l’efficacité du récit s’en ressente aucunement, le cinéaste se montrant par ailleurs particulièrement à l’aise sur le fort terrestre terrain celui-là des contingences de l’enquête.

Il en résulte un thriller fantastique tendu, étrange et frissonnant, dont l’on peut regretter, toutefois, que l’exécution formelle ne soit pas toujours à la hauteur de sa puissance narrative. En dépit de l’un ou l’autre moment saisissant – la scène du naufrage, par exemple -, la représentation que propose Jackson de son au-delà laisse quelque peu rêveur en effet, s’appuyant sur une imagerie simpliste, et semblant par ailleurs sortie d’un quelconque catalogue new age. Un constat qui n’ôte pas pour autant ses évidentes qualités à Lovely Bones, film hanté qui n’en finit pas de poursuivre le spectateur.

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Jean-François Pluijgers

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