GEMBLOUTOIS DE NAISSANCE, POLONAIS D’ORIGINE, AUJOURD’HUI INSTALLÉ EN GRANDE-BRETAGNE, CHISTOPHE SZPAJDEL, 43 ANS, EST SPÉCIALISÉ DANS LES LOGOS DE BLACK METAL. AVANT UNE EXPO, DÈS LE 11 AVRIL, ET UNE LECTURE, LE 3 MAI, À L’ANCIENNE BELGIQUE, LE LORD OF THE LOGOS SE RACONTE.

Comment êtes-vous entré dans le cercle fermé du black metal?

J’ai commencé à écouter du metal avec Kiss et Black Sabbath dans les années 70. J’étais très jeune, j’avais sept ans. Et j’étais fasciné par leur beauté lugubre, au grand dam de mes parents. Au milieu des années 80 à Bruxelles, j’arpentais le Boulevard du Midi et les disquaires d’occasion après avoir passé des heures à écouter des albums au Music Mania sans les acheter. J’avais un faible pour les pionniers comme Venom et Bathory. J’aimais beaucoup le feeling old English, gothique, mystérieux. Les montagnes, la nature, les donjons, les dragons… Ce qui m’a emmené vers le metal sombre, noir et obscur. Je commandais beaucoup de démos à des groupes underground. Et on a lancé un fanzine avec un collègue. Nous étions en contact avec tous ces mecs de Norvège, de Suède, de Finlande. Mais je me faisais le plus petit et discret possible. J’étudiais l’agronomie à Louvain. Autour de moi, on savait les contacts que j’entretenais avec ces illustres et souvent sinistres personnages. Mais dans le black metal, la seule chose qu’on connaissait, c’était mes logos et mon travail artistique.

Votre premier logo remonte à 1989…

Beaucoup de groupes n’en avaient pas à l’époque. Or le logo, c’est une image de marque. Une identité. Une empreinte. J’ai créé celui d’Emperor en 1991 et j’en suis particulièrement fier. Tu peux le mettre à côté de celui de Metallica ou d’Iron Maiden. Il définit un style bien précis. Clair, majestueux, concis, mémorable, facile à déchiffrer… Les mecs avaient tous des casiers. Ils étaient en détention préventive ou en liberté surveillée suite à des incendies d’églises. Il se peut que mes lettres aient été confisquées. Toujours est-il que je suis resté très underground et méconnu jusqu’en 1994 quand Emperor m’a crédité sur son album In The Nightside Eclipse. Un disque culte qui incarne la renaissance du black metal.

Comment vous fonctionnez?

Des groupes me contactent. Ils me font écouter leur musique et si j’aime, on conclut. Aujourd’hui, je bosse dans une supérette, mais à côté de ça, j’ai créé plus de 9000 logos. Je ne suis pas le seul sur le marché. Des mecs peuvent t’en confectionner un pour 10 dollars. Mais si j’ai fixé le prix à 50, moi, je fais tout à la main. Pas question d’utiliser Adobe Illustrator.

Hector Guimard, Behrens ou encore Louis Henry Sullivan, le père des gratte-ciel… L’architecture est l’une de vos grandes sources d’inspiration?

J’ai été marqué par les empires romain, byzantin, ottoman, russe… L’idée de force et de pouvoir qui s’en dégage. Mais aussi par des gens comme Victor Horta. J’ai été fortement inspiré par l’Art nouveau. L’esthétique et les formes géométriques de l’Art déco. Le côté très simplifié. J’adore l’adaptation d’images naturelles dans un contexte architectural.

Un livre, Lord of the Logos, vous a été consacré par l’éditeur Gestalten. Le regard sur le black metal a changé?

Incontestablement. L’année 2005 a, je pense, marqué un tournant. On a commencé à réaliser que les esthétiques du metal s’étaient infiltrées dans les mondes de l’art et de la mode. Les lettres épineuses et lugubres ont suscité de plus en plus d’intérêt. Via Facebook, on m’a contacté pour dessiner des tatouages à l’esthétique black metal. J’ai même conçu un logo pour Julie Gayet. Même si, à ce que je sache, il n’a jamais été publié nulle part…

J.B.

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