L’Ombre de la nuit

Quand on commence les histoires de Jordan Crane, on sait que ça va mal finir. Et même quand elles se terminent bien, on sent que ce n’est qu’un sursis. Peuplées de nihilistes, de solitaires et de paumés qui veulent s’en sortir, ses nouvelles engluent tous les personnages dans une mélasse fictive -ou réelle- faite de sang, de sueur et parfois de sperme. Ils sont pour la plupart déjà morts, mais ne le savent pas encore, fuyant les fantômes qui se mettent à les hanter, ne se rendant pas compte qu’ils font désormais partie d’eux. Ou bien leurs histoires d’amour déclinantes n’arrêtent pas de finir mais ils refusent de se l’avouer, reculant pour quelque temps encore l’échéance fatale. Pour d’autres, c’est l’attente désespérée d’une relève qui n’arrive pas, réparant inlassablement une station qui part en couille. Ou pour finir, n’écoutant que leur soif d’argent, ils atterrissent sur cet astéroïde en piteux état, aveuglés par la fatigue des années passées dans l’espace et persuadés qu’ils sont enfin tombés sur le bon filon. Qu’il s’agisse de S.F., de chroniques du quotidien ou de séquences oniriques, Jordan Crane décrit la psyché humaine au bord du gouffre. Malgré la noirceur des neuf nouvelles qui composent cet album, on ne peut que vous encourager à découvrir cet auteur trop peu traduit, dont le trait pourtant élégant n’arrive pas à apporter ne fût-ce qu’un peu d’espoir.

De Jordan Crane, éditions l’Employé du moi, 144 pages.

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