L’oeuvre de la semaine : L’Art face au Brexit

Guy Gilsoul Journaliste

Du XVIIIe siècle des peintures satyriques de William Hogarth aux écrits actuels de Jane Austen en passant par les photomontages de Gilbert and Georges, la créativité anglaise a toujours su porter sur sa propre société un regard à la fois très critique et très ironique. Grayson Perry, près de soixante ans au compteur, appartient à cette turbulente famille.

The Upper Classes at Bay. C Grayson Perry. Courtesy of the Artist and Victoria Miro, London Venice.
The Upper Classes at Bay. C Grayson Perry. Courtesy of the Artist and Victoria Miro, London Venice.© DR

Le choix par exemple de recourir, comme ici, à la tapisserie, relie par exemple, par son aspect cossu et rassurant, le sentiment auto-proclamé de la bourgeoisie aisée des siècles passés et d’aujourd’hui. Comme dans cet art ancien, l’image décline une histoire aux allures de récit mythologique qui sert d’écran à l’actualité politique. La scène décrit le moment un Actéon tout en tweed ma foi fort rapiécé est métamorphosé par Diane, en cerf et poursuivi puis décoré par ses propres chiens. Son tort : avoir surpris la nudité de la déesse. Dans un chromatisme des plus kitsch, l’artiste précise le propos par un titre explicite tissé en médaillon : « la classe supérieure tenue à distance ».

On voit en effet un couple façon Gentleman Farmer, rejoignant par un chemin de campagne leur domaine situé à la droite de la composition. Sauf que dans ce paysage « troué » par la pluie, se trouve planté un manifestant brandissant une pancarte sur laquelle on lit « No War but Class War », un enfant, le poing levé, un couple brandissant un calicot (« Pay up Tim) et sur le sol, d’autres slogans comme « Rich is bad » et « Tax is good ». Menaçant ? Ironique ? Grinçant. En anthropologue de son propre pays, Perry pointe les travers et les faiblesses d’une société de consommation, traditionaliste et déchirée dont l’univers culturel en crise aura provoqué les rancoeurs rassemblées autour du Brexit.

Dans d’autres oeuvres, réalisées en céramique ou en métal peint par exemple, le turbulent britannique s’attache aussi à questionner sur le même ton, la masculinité, le besoin de chef et le poids de l’identitaire quitte à se déguiser en « Claire », une illusoire anglaise d’appellation contrôlée. Mais le sourire (après tout, cela ne concerne que l’Angleterre !) virera-t-il au jaune à Paris où s’exposent plus de 70 pièces de cet artiste ?

Paris, La Monnaie de Paris. Jusqu’au 3 février. 2bis rue Guénégaud. Ma-Di 11h-19h, Me jusqu’à 21h. www.monaiedeâris.fr

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