L’oeuvre de la semaine : au fil de l’Evre

Sans titre, 2019 (de la série « Au gré du courant »). © Israël Arino
Guy Gilsoul Journaliste

Lorsqu’il écrit  » Les eaux étroites « , le romancier Julien Gracq, dont l’enfance fut liée aux paysages de l’Evre (un petit affluent de la LoIre), ne pouvait imaginer que plus de 40 ans plus tard, un photographe marcheur poursuivrait comme lui ce qu’il appelait l’appel  » des rêveries associatives ».

Celles qui, notait l’écrivain, « ont l’art de privilégier ces moments où l’attention se détourne, et où le regard se fait plus distrait. » Israël Arino (°1974), grand admirateur de l’auteur français, cherche en effet et depuis toujours à entendre les lieux qu’il arpente que ce soit au Japon, en Bretagne ou comme cette fois, le long d’une petite rivière sans importance.

Mais, tout en marchant, il cherche à entendre le détail d’une ramure, d’un vol d’oiseau, d’un reflet, afin de mieux s’écouter pour tracer entre l’instant choisi et l’émotion du présent, voire l’écho d’un souvenir, un signal qui puisse s’incarner dans l’image photographique. Alors, peu importe que ce trésor-là soit né du dos d’une simple vache. Pour entrer dans « ce qu’il appelle « le mystère de l’épiphanie photographique », Israël Arino, comme Julien Gracq, privilégie la fluidité, l’écoulement tranquille du regard rappelant qu’une photographie « peut-être aussi une révérence, un agenouillement modeste. »

Mais, au-delà la prise de vue, il sait aussi que la poésie de l’image viendra de la subtilité d’un vrai équilibre entre tous les signes conviés, celui dont on sent, écrivait Gracq, « qu’il suffit d’un souffle pour faire tout bouger ». Cet équilibre naîtra des formes elles-mêmes, fussent-elles fragmentaires et de leurs rapports ou des tracés naturels mais aussi des blancs et surtout des noirs, d’une qualité de texture et d’intensité qu’on n’atteint que par une longue et patiente pratique des procédés de la photographie.

Ce n’est pas un hasard si Israël Arino a longtemps étudié ceux du collodion humide reconnu depuis le milieu du XIXe siècle pour la grande finesse des détails et la richesse des gris mais qui exige en retour, à la fois une grande attention et l’accueil des surprises aléatoires. S’il use d’autres types de tirages, au platine ou au papier salé par exemple, c’est que le photographe catalan sait qu’ainsi, matière et lumière réinventent le réel et l’ouvrent à toutes les dimensions parce qu’un lieu est toujours, au-delà du document, un espace à habiter.

Bruxelles, Box Galerie. 102 chaussée de Vleurgat. Jusqu’au 15 janvier. Du Mercredi au samedi de 14h à 19h. https://boxgalerie.be NB : la galerie sera fermée entre le 25 décembre et le 4 janvier.

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