Strindberg, le père de la littérature suédoise moderne

Jessica Chastain et Colin Farrell dans Mademoiselle Julie, pièce de Strindberg adaptée au cinéma par Liv Ullmann. © Columbia TriStar

On connaît la langue de Molière pour le français, de Shakespeare pour l’anglais, de Goethe pour l’allemand ou encore de Vondel pour le néerlandais. Pour le suédois, il serait légitime de parler de la langue de Strindberg, auteur de Mademoiselle Julie et père de la littérature suédoise moderne.

Au cours des semaines qui vont suivre, des articles fleuriront dans cette nouvelle rubrique dédiée à la culture suédoise. Pourquoi? Principalement parce que la Suède est le pays dans lequel Margo, notre stagiaire, a choisi de partir dans quelques mois en Erasmus. Dans L’instant suédois, le cinéma, la musique ou encore la littérature seront décortiqués dans une tentative de faire le tour de la question viking.

Né en 1849 à Stockholm, Johan August Strindberg entreprend à vingt ans des études de lettres à l’université d’Uppsala, connue comme étant la plus ancienne université de Scandinavie, et commence très vite à écrire ses premières pièces de théâtre. C’est dans ce domaine qu’il se fera connaître en dehors de la Suède, avec notamment Mademoiselle Julie, récemment adaptée au cinéma, Le Songe ou encore Le Père.

August Strindberg, vers 1900.
August Strindberg, vers 1900.© Hulton-Deutsch collection/Corbis/Scanprix. Wikimedia Commons.

Après avoir abandonné ses études à Uppsala, Strindberg enchaîne les petits boulots et devient notamment journaliste puis assistant en librairie. Il fait alors la connaissance de nombreux peintres, journalistes et libraires qu’il rencontrera à plusieurs reprises dans la salle rouge d’un restaurant de Stockholm. Cet épisode de la vie de Strindberg lui inspirera son premier roman, The Red Room (1879), considéré comme la première oeuvre littéraire suédoise moderne et qui lui vaudra la reconnaissance à travers les trois pays scandinaves. Dans cette satire, l’auteur dépeint l’hypocrisie de la société stockholmoise à travers le personnage de Arvid Falk, alter ego de Strindberg, qui critique une ville où la corruption est mère de tous les vices.

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Tourmenté et controversé

La plume de Strindberg est violente et ne plaît pas aux autorités suédoises si bien qu’en 1882, suite à la publication de The New Kingdom, une nouvelle satire, l’auteur est contraint de quitter son pays natal et atterrit en France où il s’approche de la pensée de Rousseau et entretient une correspondance avec Emile Zola. En Suède, rien ne s’arrange après la sortie des nouvelles Getting Married qui voit Strindberg accusé de blasphème.

Au théâtre avec Le Père et Mademoiselle Julie, fin 1880, Strindberg côtoie le mouvement naturaliste incarné en France par Zola. Avec ces pièces, l’écrivain « retourne à la dramaturgie avec plus d’intensité » et témoigne d’une « révolte totale à l’égard des conventions sociales contemporaines. » Mêlant le naturalisme à sa propre conception humaine, Strindberg « inaugure un nouveau mouvement dans le théâtre européen » et devient « la voix d’une Suède moderne ».

Strindberg connaît ensuite une traversée du désert littéraire. Les controverses qui entourent son oeuvre le rendent paranoïaque. Devenu alcoolique suite à un premier divorce, l’auteur rencontre sa deuxième épouse et déménage à Paris où il est « tourmenté par des ennemis invisibles et des hallucinations » qui lui inspireront le roman largement autobiographique Inferno.

Le conflit Strindberg

Le début du XXe siècle marque une période clé dans l’histoire de la littérature suédoise. Strindberg rejoint la Suède où il est à l’origine d’une dernière mais conséquente controverse, « le conflit Strindberg », « l’un des débats les plus importants que la Suède ait jamais connus », qui pose la question de la place de la littérature d’alors, impliquant également l’Académie suédoise et sa remise de prix Nobel. A travers plusieurs dizaines d’articles, l’auteur n’épargne personne et critique sévèrement les artistes et intellectuels qui ne partagent pas ses idées, notamment envers le défunt roi Charles XII, un « héros national indigne » selon Strindberg. Rapidement, d’autres secteurs comme l’agriculture, la religion ou les forces militaires sont évoqués dans ce débat dont la question centrale demeure celle de la légitimité de la littérature face à la politique et à la société en général. Des sujets qui, en fin de compte, auront influencé toute l’oeuvre du révolté Strindberg.

Jusqu’à son décès en 1912, Strindberg aura fait la critique de la société suédoise, tant par le social que par le politique. Pleuré par ses semblables qui voyaient en lui « le plus grand écrivain », il ne sera pourtant jamais reconnu de son vivant par l’Académie suédoise.

Postérité

Strindberg, dont l’influence a marqué nombre d’auteurs, est aujourd’hui l’un des écrivains et dramaturges suédois les plus estimés: « Le style poignant et familier des premiers romans de Strindberg a amené un renouvellement durable de la prose suédoise », peut-on ainsi lire dans la version en ligne de l’Encyclopædia Britannica dans laquelle la professeure Brita Maud Ellen Mortensen de l’Université de Cambridge estime que le plus grand impact de Strindberg a eu lieu au théâtre, par le biais notamment des dialogues brutaux et réalistes que l’on retrouve dans son théâtre entre 1887 et 1893. « Avec des pièces plus fantasmagoriques comme To Damascus, Le Songe et The Ghost Sonata« , Strindberg a émis les premières bribes de l’expressionnisme théâtral qui « a été principalement développé en Allemagne après 1912 et a influencé de nombreux dramaturges comme Sean O’Casey, Elmer Rice, Eugene O’Neill, Luigi Pirandello, et Pär Lagerkvist. »

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