Le Dernier Atlas, mecha new age

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Pas de nostalgie dans Le Dernier Atlas, revisitant de fond en comble la thématique du robot-géant, pour ce qui restera une des meilleures miniséries de ces dernières années.

Les auteurs de Goldorak ne sont pas les premiers francophones à prendre les commandes d’un robot-géant resté pendant longtemps exclusivement japonais. La première de ces énormes créatures est née en 1956 dans le manga Tetsujin 28-go de Mitsuteru Yokoyama, quatre ans après un certain Astro, le petit robot d’Osamu Tezuka. C’est le début d’un véritable sous-genre, baptisé « mecha », constituant le contrepied parfait (et qui prédisait bien avant tout le monde la fusion homme-machine) des « Kaiju », ces monstres géants à la Godzilla venus semer la terreur sur l’archipel, comme la bombe atomique le fit avant eux sur Nagasaki. Ces monuments de la culture populaire nipponne, popularisés hors du Japon par des films comme Godzilla, Pacific Rim, Matrix ou, déjà, Alien (quand Ripley combat la créature avec une sorte d’exosquelette typique du genre), ont dû attendre 2019 pour connaître enfin une réinterprétation francophone, avec ce prodigieux Dernier Atlas, trilogie dont le dernier volume est désormais disponible. Soit près de 800 planches réalisées en moins de quatre ans (!) d’un grand récit dystopique se jouant de tous les codes, mêlant science-fiction, Histoire, thriller, politique, grande aventure et « mecha » donc, l’Atlas étant ici une gamme de robots géants et atomiques développés dans les années 50 par le général de Gaulle pour conserver la main sur la colonie algérienne. Le dernier exemplaire de ces robots démantelés dans les années 70 suite à un accident nucléaire va devenir le dernier rempart face à l’Umo, une entité elle aussi géante et extraterrestre qui a apparemment des choses à nous dire sur notre gestion de l’environnement -encore faudrait-il que nous soyons capables de l’entendre.

Là où les Japonais exorcisaient leur peur de la bombe atomique dans un univers de l’anime aux mains des fabricants de jouets, et là où Hollywood a vu une magnifique machine à cash et à pop-corn, les scénaristes français Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval ont déniché un véhicule à la hauteur de leurs ambitions: écrire un grand récit contemporain qui donnerait très envie à un HBO ou à un Netflix d’en faire sa prochaine série-phare, avec un mélange d’intrigues parallèles, de spectaculaire, de thriller et d’intime, tout en abordant des thèmes qui leur tiennent particulièrement à coeur -et là aussi très modernes- comme la collapsologie, notre rapport au vivant ou la guerre d’Algérie et ses conséquences. Du grand art, et aussi du grand spectacle.

Le Dernier Atlas (tome 3), de Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle et Fred Blanchard, éditions Dupuis, 256 pages. ****(*)

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