La Foire du livre 2018 : on the Road

Asli Erdogan © ISOPIX
Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

« Le thème, tout à la fois prometteur et exigeant, ouvrait tous les possibles d’une programmation exceptionnelle. » Commissaire général de la Foire du livre, Grégory Laurent le dévoilait ce 25 janvier : « Sur la route » sera le fil rouge, dès le 22 février prochain, de l’édition 2018 de la Foire du livre de Bruxelles.

Ecrit, selon la légende, dans une fièvre ininterrompue de trois semaines sur un rouleau de 36 mètres de long, le récit culte de Jack Kerouac, qui raconte les aventures vécues avec son compagnon de route Neal Cassady devient, dès sa parution en 1967, le livre manifeste d’une contreculture nouvelle -celle de la Beat Generation. Epris de liberté et d’anticonformisme, de révolte aussi face à une société de consommation américaine toujours plus absurde,On the Roadaura une influence artistique considérable sur de nombreux créateurs, jusqu’à aujourd’hui, et jusqu’au pire contresens parfois.

C’est bien entendu dans son acception la plus mainstream qu’il inspire aujourd’hui la grande manifestation littéraire de l’année belge. Aux habituels confins de la foire commerciale (on y vend et achète des livres sur les stands des éditeurs), de la rencontre avec les écrivains (on y fait signer des livres) et du festival littéraire (on y assiste à une suite de rencontres et de tables rondes), la Foire du livre 2018 posera la route comme thème littéraire par excellence, de la littérature de voyage proprement dite aux grands destins épiques du roman d’aventures. Car si la route, le départ et le voyage sont par essence sources de récits fantasmatiques ou réellement vécus (outre Kerouac lui-même, L’Usage du monde de l’indispensable Nicolas Bouvier sera par exemple aussi au menu de la programmation), les rencontres qu’ils initient inévitablement sont aussi un outil pour construire, transformer et revendiquer son identité (le voyage comme motif inamovible du roman d’apprentissage).

Asli Erdogan présidente d’honneur

Au-delà des aventures interpersonnelles, le thème recèle évidemment des résonances sociétales et politiques : la route, c’est aussi celle que l’on prend à son corps défendant, celle qui bute sur une infinité d’obstacles. Le versant plus politique et engagé de la manifestation bruxelloise embrassera logiquement la question des migrants et des frontières. C’est d’ailleurs la romancière et journaliste Asli Erdogan qui sera l’invitée très exceptionnelle de la Foire du livre cette année -mieux : sa présidente d’honneur. « Qui mieux qu’elle, qui a été assignée à résidence en Turquie, pour qui la notion de frontière a été un enjeu problématique à de nombreuses reprises, qui s’est intéressée au métissage et qui a défendu le droit des femmes à « franchir la ligne » pour incarner la thématique ? », expliquent ses programmateurs.

Arrêtée à l’été 2016 essentiellement pour son soutien à la minorité kurde, l’écrivain militante, très engagée sur la question des droits des femmes et la reconnaissance du génocide arménien, est actuellement en attente de la sixième audience de son procès. Apparue malade et affaiblie à l’heure, il y a quelques semaines, de recevoir le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes en France, Erdogan faisait précéder son discours de réception d’un préambule bouleversant (« Parfois j’ai l’impression que l’histoire de ma vie a été écrite par un écrivain amateur, trop amateur de drames et j’ai l’impression de ne pas être à la hauteur du rôle que la vie a écrit pour moi »). Rédigée en 1993, son premier roman, l’inédit L’Homme coquillage, récit de la fascination d’une jeune chercheuse en physique nucléaire pour un homme rencontré aux Caraïbes, sera disponible en avant-première à la Foire du livre avant sa parution en mai aux éditions Actes Sud.

Lettres d’Afrique

Suivant en cela l’initiative du Salon de Paris, Bruxelles accueillera cette année une toute nouvelle scène dédiée aux lettres « d’Afrique-Caraïbes-Pacifique ». Y sont notamment attendus l’écrivain congolais Wilfried N’Sondé (Le Coeur des enfants léopards), le jeune Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr (Terre Ceinte, prix Kourouma 2015), et Tierno Monénembo, Guinéen francophone, lauréat du prix Renaudot en 2008 pour Le Roi de Kahel.

Avec aussi un intéressant focus fait à la traduction littéraire (des tables rondes sont d’ores et déjà prévues avec Claro, traducteur d’Alan Moore et de Thomas Pynchon, Josée Kamoun, traductrice de Philip Roth ou John Irving, et Albert Bensoussan, entre autres traducteur de Mario Vargas Llosa), une place faite au polar (Caryl Férey) et, traditionnellement, à la BD (Enki Bilal), la Foire organisera aussi une spectaculaire Chasse aux livres (plus de mille livres cachés entre le 18 et le 25 février dans différents quartiers de Bruxelles à dénicher à partir d’une application de géolocalisation).

Eric Vuillard
Eric Vuillard© Visual Press Agency

Entièrement gratuite selon la formule inaugurée l’an dernier, la Foire annonce aussi son traditionnel calendrier de rencontres et de dédicaces avec notamment la présence d’Eric Vuillard, prix Goncourt 2017 pour L’Ordre du jour, d’Olivier Guez, prix Renaudot pour La Disparition de Josef Mengele, de l’écrivain belge star David Van Reybrouck, ou de Jean-Luc Coatalem, prix Femina Essai pour Mes pas vont ailleurs, inspiré par la figure de l’écrivain Victor Segalen. Mais aussi celles de Grégoire Delacourt, Pierre Ducrozet, Jean Teulé, Lionel Duroy, Philippe Manoeuvre, Nadine Monfils et Katherine Pancol. Des itinéraires distincts, des horizons multiples, mais un seul état : sur la route.

Du 22 au 25 février 2018, à Tour et Taxis, Bruxelles.

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