Critique | Livres

[La BD de la semaine] Le Grand voyage de Rameau, de Phicil

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Une créature des bois brave les interdits et s’en va découvrir les géants de l’Angleterre victorienne. Un univers et un auteur à découvrir.

Dans le bois de Mille Feuilles, sur les collines du Gloucestershire -et, tout le monde le sait, comme dans bien d’autres endroits de la campagne anglaise à l’époque victorienne- vivait une tribu de petites créatures. De minuscules lutins coupés volontairement du monde des géants après un drame devenu légendaire, qui les vit se renfermer sur eux-mêmes. Or, voilà que la jeune Rameau, rebelle, insouciante et fascinée par les belles robes qu’elle admire dans un morceau de journal devenu sainte- relique, ne résiste pas à l’envie d’aller voir au-delà du chariot de feu qui passe à la lisière de leur bois… Le début d’un grand voyage fantastique et merveilleux dans tous les sens du terme, qui la mènera elle, une chenille, une grenouille et un vieux magicien, au coeur de « la ville monstre ». Une ville de Londres où elle va tour à tour rencontrer la Reine Victoria, Lewis Carroll, Oscar Wilde, Beatrix Potter, Yaacov Revinski ou encore Jack L’Éventreur. Soit quelques grandes figures historiques, littéraires ou fictives de cette Angleterre qui fascine visiblement le scénariste et dessinateur de ce récit aussi merveilleux qu’ambitieux.

[La BD de la semaine] Le Grand voyage de Rameau, de Phicil

Fantastique victorien

Se présentant dans un grand format aux enluminures typiques de la collection Métamorphose cornaquée par l’Italienne Barbara Canepa (W.I.T.C.H., Sky-Doll), ce Grand Voyage a pris votre serviteur par surprise. D’abord parce que le merveilleux et le fantastique victoriens n’est pas particulièrement sa tasse de thé. Ensuite parce que Phicil, mea culpa, était jusque-là passé sous nos radars, malgré ses courtes séries Georges Frog ou London Calling parues respectivement chez Carabas et Futuropolis. Et on avait bien tort, tant ce quadragénaire érudit semble ici au sommet de son art, capable de mêler un dessin naïf et des personnages presque grotesques à de grands décors superbes et tout en atmosphères, que l’auteur va puiser, en les citant, chez John Bauer, Claude Monet, Gustave Doré ou William Morris, les grands peintres et illustrateurs de cette époque littérairement bénie mais socialement ignoble. Un mélange de fascination et d’aversion qui hante cet imposant conte à la fois victorien et très moderne, et en tous points réussis, même quand il glisse ici et là quelques blagues potaches (ainsi Brad le Pitbull ou les Grandes Pierres Solaires (GPS) qui lui montrent le chemin…) a priori hors de propos -c’est dire la grâce qui entoure ce grand voyage à découvrir.

Le Grand Voyage de Rameau

Roman graphique de Phicil, éditions Soleil/Métamorphose, 212 pages. ****

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