Dominique Goblet redessine The Horse with No Name Is a Horse with No Shame de mémoire

© Dominique Goblet
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

« Je n’essaie jamais d’être « fidèle » au modèle. » Chaque semaine, un.e auteur.e redessine et commente -sans la regarder!- la couverture d’un album qui lui est cher. Aujourd’hui, Dominique Goblet redessine The Horse with No Name Is a Horse with No Shame, d’Aleksandra Waliszewska, éditions United Dead Artists, 2012.

Pourquoi cette couverture et/ou cet auteur vous a marquée?

J’ai découvert le travail de cette artiste grâce à un livre publié par United Dead Artists, la maison d’édition de Stéphane Blanquet. Livre énigmatique, sans nom ni aucun titre sur la couverture, sombre, intrigant, très plastique, réalisé à la gouache, ce qui tombait bien car depuis le confinement, je ne fais plus que des peintures à la gouache: paysages flamands mélancoliques et plages humides du littoral belge. Elle fait partie des rares artistes dont le travail me poursuit chaque fois que je le regarde. Chacune de ses images me fait un truc étrange au bide, quelque chose que je ne m’explique pas. Quand je regarde ses peintures, j’ai presque mal aux dents. Entrer dans sa tête, lui pénétrer le crâne, lui manger un peu de cervelle, absorber son âme d’artiste, lui lécher les dents de devant… Voilà ce que j’ai fait.

En quoi a-t-elle eu une influence sur le lecteur et l’auteur que vous êtes?

Je ne pense pas que le travail d’Aleksandra ait, à proprement parler, d’influence sur mon travail. Mais observer de temps en temps son univers, peuplé de monstres, de créatures étranges et torturées issues autant de l’imagerie moyenâgeuse, des peintures de Jérôme Bosch ou de la culture populaire des films d’horreur, me pousse à dépasser mes propres limites dans le dessin et à braver les codes de la représentation, du beau, du bien-fait, de l’esthétisme, pour aller au coeur profond de la narration et des sensations pures, pour le dire de façon simple, plonger dans la matière des récits en dépassant les peurs.

À refaire cette couverture de mémoire, pensez-vous en avoir eu un souvenir précis?

J’ai une très mauvaise mémoire visuelle et photographique. Peut-être parce que l’enveloppe des choses ne m’intéresse pas tellement. C’est une image très forte et très symbolique. On retient directement cette grande bouche rouge, comme une brèche béante dans le visage. Quand je représente une chose ou une personne, je n’essaie jamais d’être « fidèle » au modèle, nous avons la photographie pour cela, j’essaie de creuser et puis partager ce que j’éprouve face à cette personne, cet objet, cet espace; une tendresse, un trouble, un malaise, parfois presque rien. Je n’ai pas cherché à refaire le dessin, je n’y serais pas parvenue. Je voulais faire mon sujet mais en vampirisant le souvenir que j’avais de cette image. Comprendre de l’intérieur cette image, les gestes qui l’ont constituée, entrer en connexion avec la peinture et à partir de là, voir quelque chose s’imprimer dans le cerveau, mais ce n’est pas forcément une image précise..

Dernier album paru de Dominique Goblet: L’Amour dominical, avec Dominique Théâte, éditions Frémok.

L’original:

Dominique Goblet redessine The Horse with No Name Is a Horse with No Shame de mémoire

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