© National
Anne-Lise Remacle Journaliste

Trouvé un dimanche de messe allongé sur le mobilier d’église, Banc hérite de ce surnom parce que son silence sur son identité empêche le révérend, la famille et la congrégation qui l’ont aussitôt recueilli de l’assigner à une quelconque case. Âge, race, sexe, condition, toute donnée qui définit traditionnellement une personne tient chez lui (ou elle) du brouillard incertain. “ Il semblerait que je sois quelque part dans ce tas de peau de muscles d’os de gras et de poils”, confie cette créature flottante aux seuls lecteurs. Mais son mutisme a sur les bons samaritains qui l’entourent un curieux effet. Quand leur interrogatoire tourne à l’échec, ce sont eux qui se mettent à confesser l’étroitesse de leur vie dans une société américaine régie par la notion de bien et de mal. Cette injection soudaine d’une altérité fluide dans une communauté engluée dans son code moral hypocrite et destructeur générera son lot de larmes et d’éclatements de secrets honteux. Troisième roman de Catherine Lacey, Banc est une fable subtile et troublante, qui nous évoque tantôt les frictions avec la société de Robert Walser ou ce pas de côté du Bartleby de Melville face à la machine du travail. Heureux les indéfinis et ceux qui renâclent car ils échappent à toute récupération aliénante?

De Catherine Lacey, éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (États-Unis) par Myriam Anderson, 240 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content