Les Turbines du Titanic

En route vers la petite ville de N., nichée dans un recoin de la Boznie-Herzégovine oublié par la chance, Nikola et Oleg souhaitent y faire rouvrir l’usine locale afin d’y produire à nouveau une turbine 83-N. Ils ont des fonds à investir et ne feront pas obstacle à la manière dont les ouvriers fonctionnaient autrefois. C’est du moins ce qu’ils prétendent à Sobotka, ancien ingénieur en chef qui a laissé entre ces murs une cohorte de regrets et de fantômes, dont ceux d’une grève menée avec fougue mais sans vrai plan d’échappée si ce n’est l’autogestion. Derrière cette promesse clinquante, les deux entrepreneurs fallacieux ont surtout l’intention de faire fortune sans se soucier des dommages collatéraux. Ils vont s’intégrer à la petite communauté en déréliction, Oleg entretenant une liaison avec Lip?a, Nikola prenant la direction de l’usine. Mais qu’adviendra-t-il le jour où les turbines prévues deviendront tangibles et où tous se rendront compte que celui qui en était commanditaire, l’énigmatique Colonel d’un pays sous embargo, mafieux présent uniquement dans les limbes du discours, n’est qu’un miroir aux alouettes? Par son énergie désespérée qui fait moteur, dans ses espoirs en pleine débâcle, Les Turbines du Titanic rappelle par la bande À l’origine de Xavier Giannoli. Ici comme là, nous nous attachons jusqu’à la déraison à ces personnages pétris dans leur rêve incongru, à l’authenticité en nuances, sachant que le couperet douloureux de la réalité ne manquera pas de tomber, pour ceux qui comptaient prendre la poudre d’escampette comme pour les bernés. On tient là un roman férocement doux-amer et brillant qu’on aurait tort de remiser dans notre musée personnel de l’obsolescence programmée.

Les Turbines du Titanic

Roman de Robert Peri?ic, éditions Gaïa, traduit du croate par Chloé Billon, 464 pages.

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