Les rockeurs suédois de Viagra Boys sont bien décidés à secouer un monde qui ne tourne plus rond

Sebastian Murphy (cagoulé): «Je reste sur deux chouettes années. Beaucoup de jeux vidéo, pas trop de fêtes. Je me suis calmé. J’ai pris soin de moi, du groupe et j’ai rencontré ma fiancée.» © fredrik bengtsson
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les Viagra Boys sortent de la pandémie un album sous le bras, revigorés et bien décidés à tout retourner.

En 2020, dans le clip Ain’t Nice, Sebastian Murphy piquait une trottinette à un gamin et un vélo à un vieux barbu. Il chapardait des bières aux tables des terrasses et se faisait taser par le mioche revanchard. Dans celui de Punk Rock Loser, le chanteur des Viagra Boys se retrouve à jouer les cow-boys ratés, une espèce de minable qui se serait retrouvé catapulté dans l’Ouest américain façon Westworld. Murphy semble en décalage permanent, jamais tout à fait à sa place. Cheveu dans la soupe. «Je voulais que le clip soit aussi stupide que le morceau. Voilà pourquoi je me lance dans cette espèce de bête chorégraphie TikTok. Je ne sais pas si les clips sont encore déterminants. Mon management le pense, en tout cas. Je crois qu’il a raison quand je vois l’importance prise par YouTube.»

Le rock est beaucoup trop sérieux. Nous, on veut s’amuser. Amuser les gens. Etre fun mais pas bêtes pour autant.

A en juger par le boxon qu’ils ont foutu lors des dernières Nuits Botanique, les Viagra Boys ont touché le grand public. Rares sont les groupes à guitares qui de nos jours retournent une tente comme les Suédois. «Le rock est beaucoup trop sérieux. Nous, on veut s’amuser. Amuser les gens. Etre fun mais pas bêtes pour autant. Cette conception du divertissement a tendance à disparaître. C’est pour ça que j’aime Amyl and the Sniffers. Quand Amy Taylor (NDLR: la chanteuse du groupe australien) est sur scène, tu ne peux rien faire d’autre que sourire. Il y a beaucoup trop d’hommes dans le rock. De mecs donneurs de leçon. Mais je n’ai pas vraiment d’explication au fait qu’on soit si peu à vouloir se marrer.»

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Fils d’un banquier, qui lui a fait découvrir Hank Williams, The Clash, The Smiths, Joy Division et New Order, Sebastian parle d’Iggy Pop et évoque le groupe Devo, son univers, ses chorégraphies, son air idiot. Il a grandi à San Rafael, en Californie, à vingt minutes de San Francisco. Il n’a débarqué en Suède qu’à 17 ans, chez la sœur de sa mère. «J’ai vécu avec ma tante et j’ai été à l’école pendant six mois. Puis je me suis barré. J’ai pris mon propre appartement et j’ai commencé à bosser comme tatoueur. Je pensais que ce serait ma vie. J’avais une guitare et quelques synthés. J’allais voir plein de concerts. Mais je ne me voyais pas dans un groupe. Aux Etats-Unis, j’en avais eu un de punk qui reprenait du Flipper. Mais quand je suis arrivé en Suède, j’étais branché stoner. J’allais applaudir Sleep, les Melvins, High on Fire…» Pour l’instant fan de Waylon Jennings («un vrai rebelle»), Sebastian écoute beaucoup de blues et de vieille country. Du Jesus Lizard, du Scratch Acid, pas mal de Velvet aussi. Welfare Jazz parlait beaucoup de ses excès, de ses conneries. Il y regardait à l’intérieur de lui. Cave World est davantage en phase avec l’actualité. «La vie était plutôt belle. Je n’allais pas écrire des chansons sur le fait de boire du café et de promener mon chien… J’ai donc davantage regardé ce qu’il se passait autour de moi. Cette planète foutue qui s’autodétruit. A l’époque, je matais des documentaires sur les singes, sur l’évolution. Je m’étais fait 2001, l’Odyssée de l’espace

Vie de Bohême

S’il a regardé de nombreuses vidéos conspirationnistes («Je dois quand même reconnaître à leurs auteurs une incroyable créativité»), c’est un petit film sur l’hypothèse du compromis cognitif qui a jeté les bases du disque. «Cette théorie part de l’idée que quand on est descendu de l’arbre et qu’on a dû commencer à parler pour communiquer, on a perdu d’autres aptitudes fondamentales. Je me suis alors demandé si c’était une bonne chose de s’être doté de la parole ou si on aurait mieux fait de rester dans les arbres, de glander et de manger des termites. On a évolué et c’est ce qui pouvait arriver de pire à la planète.»

Sa vision du monde est la même qu’avant la pandémie. Elle a juste été confirmée par les faits. «Les dirigeants sont dingos. Tout part en couille partout. Je n’arrive pas à croire que certains de ces gens sont à la tête de nos pays.» Sebastian exècre l’autorité. Il l’a toujours détestée. Et ce, depuis qu’il est gamin. «C’est ce qui m’a amené à aimer le punk et ça fera toujours partie de moi. Mes parents étaient extrêmement stricts. Il fallait aller à l’école, enchaîner à l’unif, dégoter un bon job. Je préférais l’idée d’être SDF, de vivre dans la rue à celle d’étudier à l’université. J’ai été profondément inspiré par les modes de vie bohémiens, des gens qui ne suivaient pas les règles. Je m’en veux vis-à-vis de mes parents. C’était des chouettes gens qui faisaient de leur mieux. Mais je me suis rebellé de toutes les façons possibles. Boire, me droguer, brosser, voler, fuguer…»

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Sebastian évoque la confiance qu’accordent les citoyens suédois à ceux qui les dirigent. Il raconte avoir une figurine à son effigie (un collector) comme G.I. Joe. Et parle du saxophone dans le rock: Flipper, Saints, Fear, Fun House des Stooges… «C’est clairement ce côté free jazz qui nous a donné envie d’en avoir un.»

Les Viagra Boys ont commencé à enregistrer Cave World avant même la sortie de Welfare Jazz. Murphy avait en tête un album très classique. Il a fini par laisser tomber l’idée. «Je me suis dit qu’on pourrait faire un disque punk ou rock’n’roll dès qu’on en aurait envie. Je voulais prendre des risques. Etre soniquement extrême. Ne pas faire ce que les gens attendaient de nous. La production y contribue.»

© National

Une chanson comme Big Boy pimentée par l’intervention de Jason Williamson (Sleaford Mods), avec son final déglingo et hédoniste digne de Primal Scream et des Happy Mondays, incarne à merveille ce qu’il essaie d’expliquer. «Cette chanson a germé dans un studio à la campagne. On était défoncé. Il devait être 3 heures du matin. On fêtait le morceau qu’on avait terminé la veille. On s’est mis à chanter cette connerie et on l’a enregistrée. De retour à Stockholm, notre producteur a amené un beat hip-hop et on a encore poussé le titre plus loin.» Les Viagra Boys aiment dépasser les bornes…

Cave World, par Viagra Boys, distribué par Year0001.****
Le 20/08 au Pukkelpop.

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