Les ovnis du Nova

Land of Warm Waters © National

Le Nova fait sa rentrée avec la sortie de deux films inclassables qui donnent foi dans la liberté et le pouvoir du médium cinéma.

Amateurs de cinéma expérimental et déviant, réjouissez-vous! Le cinéma Nova, à Bruxelles, dégaine pour sa rentrée un film-trip complètement barré qui navigue à vue, quelque part entre le Tropical Malady d’Apichatpong Weerasethakul et Le Gendarme et les Extraterrestres de Jean Girault. Venu de Hongrie et réalisé par les faux frères toqués Igor et Ivan Buharov, Land of Warm Waters prend la forme d’une improbable fable éco-futuriste où la chlorophylle des plantes réveille de vieilles fonctions érectiles endormies, où les gens se transforment en cactus et où les ongles et les cheveux poussent sept fois plus vite qu’ailleurs. Gros délires sous champignons hallucinogènes, pratique collective de rituels péruviens, cures pour enfants suicidaires, phénomènes paranormaux impliquant des boutons sanguinolents qui apparaissent à l’entrejambe… Entre tension anxiogène et burlesque navrant, le film multiplie les envolées mystiques et droguées sans autre logique apparente que de défier les lois du cinéma narratif dans un grand bouillonnement labyrinthique de plaisir insurrectionnel. Tourné sans scénario et en Super 8, cet objet fou et furieusement libre invite au lâcher-prise le plus total. Vous reprendrez bien un peu d’ayahuasca?

De quelques événements sans signification
De quelques événements sans signification © National

Le cinéma comme aventure

Le deuxième film qui nous occupe ne pourrait pas se situer, dans son propos et dans sa forme, davantage aux antipodes du premier. Seul point commun, mais il est de taille: envisager le cinéma comme une aventure, un grand saut dans l’inconnu et l’expérimentation. Réalisé au Maroc, en 1974, par Mostafa Derkaoui, De quelques événements sans signification a très longtemps été interdit de diffusion. Récemment restauré, il évoque le cinéma direct et prend la forme d’une espèce de métafilm, d’un film dans le film qui épouse les pulsations de la vie, avec ses ratés, ses reprises, ses tâtonnements. Une équipe de cinéastes en quête d’un sujet à traiter y interroge de jeunes Casablancais sur leurs attentes et leurs rapports au cinéma dans les quartiers populaires et les bars du port de la ville, avant d’être rattrapée par un événement hors du commun: l’homicide involontaire d’un patron par un ouvrier du port… Radical et déstabilisant, l’objet, vrai-faux documentaire tout en glissements fictionnels à très forte dimension sociologique et politique, va parfois jusqu’à évoquer une espèce de transe jazz, dont il est d’ailleurs largement imprégné. Avec, en filigrane, cette question cruciale: quel est le rôle du cinéma? Et quelle forme doit-il adopter? Une vraie curiosité.

– Land of Warm Waters

D’Igor et Ivan Buharov. Avec Domokos Szabó, Orsolya Török-Illyés, Szabolcs Hajdu. 2022. 1 h 22. Sortie: 23/09.

– De quelques événements sans signification

De Mostafa Derkaoui. 1974. 1 h 18. Sortie: 16/09.

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