Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Les maîtres toscans – L’édition DVD de plusieurs de leurs films rappelle à quel point les frères toscans surent allier lyrisme et engagement, analyse et passion d’un cinéma porté à incandescence.

Sous le signe du scorpion. Avec Gian Maria Volonte, Lucia Bose, Giulio Brogi. 1 h 40. Images & Visions.

Saint-Michel avait un coq. Avec Giulio Brogi, Daniele Dublino, Renato Cestie. 1 h 30.

Allonsanfan. Avec Marcello Mastroianni, Lea Massari, Mimsy Farmer. 1 h 46.

Fiorile. Avec Claudio Bigagli, Galatea Ranzi, Michael Vartan. 1 h 53.

Les Affinités électives. Avec Isabelle Huppert, Jean-Hugues Anglade, Marie Gillain. 1 h 33.

Sous son habillage encadrant de noir des affiches originales des films, la collection Les grands classiques du cinéma italien offre des retrouvailles avec des £uvres marquantes parfois perdues de vue depuis leur heure de gloire. Il en va ainsi de l’ensemble consacré aux frères Taviani. Ces Toscans fins lettrés, férus d’histoire, amateurs de grande littérature et engagés politiquement à gauche, ont su créer des films riches tout à la fois en contenu (volontiers engagé) et en beautés visuelles. Empêcheurs de penser en rond et simultanément poètes, les fratelli Taviani furent aussi les premiers frères à marquer le cinéma international. Et ce bien avant les Coen, les Dardenne, les Wachowski et autres Farrelly. Paolo (né en 1931 près de Pise) et Vittorio (son aîné de deux ans) ont bâti une filmographie majeure et singulière dans le cinéma italien et international.

Intelligence et sensualité

Leurs plus grands succès, tels Padre padrone (1977), Le Pré(1979), La Nuit de San Lorenzo (1982) et le merveilleux Kaos (1984), ne figurent point parmi les rééditions que cette belle rentrée digitale nous pose devant les yeux. Mais s’ils sont moins connus hors de la planète cinéphile, les cinq titres retenus par la collection des Grands classiques du cinéma italien n’en sont pas moins dignes du plus haut intérêt. A commencer par Sous le signe du scorpion (1969), audacieuse évocation de l’arrivée sur une île d’une trentaine d’hommes ayant fui une éruption volcanique. La rencontre avec les locaux ne se passera pas facilement, la question des femmes (que les nouveaux venus convoitent) devenant facteur de confrontation… A cette réflexion sur l’état de nature et la violence succède l’hymne révolutionnaire librement adapté de Tolstoï) de Saint-Michel avait un coq (1971), où un anarchiste condamné à mort voit sa peine commuée en détention puis en déportation sur une île où le contact de jeunes insurgés lui fera renoncer à son individualisme radical. De révolution, il est encore question dans le magnifique Allonsanfan (1974). Marcello Mastroianni signe une performance mémorable dans le rôle d’un révolutionnaire revenu de ses illusions et entraîné malgré lui dans une ultime aventure utopiste.

Situés bien plus tard dans la carrière des Taviani, Fiorile (1993) et Les Affinités électives (1996) n’ont pas la même force expressive. Mais si le second, adapté du célèbre texte de Goethe, souffre d’une certaine raideur, le premier suscite une émotion profonde par sa chronique de l’histoire d’une famille toscane, bénie puis maudite à cause d’un chargement d’or lié aux conquêtes napoléoniennes. Présentés sans bonus, les cinq films offrent autant d’illustrations d’un art à la fois très personnel et ouvert au public. Un art où intelligence et sensualité s’allient souvent pour le meilleur.

Louis Danvers

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