Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

PÈRE DE L’ETHIO-JAZZ, MULATU ASTATKE EST DE RETOUR AVEC UN NOUVEL ALBUM ENREGISTRÉ ENTRE SON PAYS NATAL, LA FRANCE ET L’ANGLETERRE…

Mulatu Astatke

« Sketches of Ethiopia »

JAZZ VILLAGE JV570015 (HARMONIA MUNDI)

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Après des études musicales dans l’Angleterre des années 50, Mulatu Astatke devient le premier Africain à entrer au Berklee Collège of Music de Boston. Pendant son séjour aux Etats-Unis, il rencontre Coltrane, sympathise avec Duke Ellington et fréquente la scène latino de New York où il se lie avec Tito Puente. Percussionniste, vibraphoniste, pianiste et compositeur, Mulatu Astatke invente au début des années 60 un genre musical où se mélangent culture des big bands, influences latines et musique traditionnelle éthiopienne qu’il baptisera du nom d’Ethio-jazz. Agé aujourd’hui de 70 ans, celui qui est considéré comme l’un des plus grands musiciens africains à l’égal de Fela Kuti ou King Sunny Ade connaîtra une carrière fructueuse (ses premiers albums Ethiopian Jazz et Afro-Latin Soul sortent au milieu des années 60) mais discrète malgré une production discographique régulière. Du moins, jusqu’au début des années 90, époque où des artistes de la scène rap comme Kanye West, Damian Marley ou Nas se mettent à sampler abondamment sa musique, rendant le musicien éthiopien populaire auprès des amateurs de hip hop. Ses LP’s deviennent dès lors avidement recherchés par ce public inattendu qui, à lui seul, va propulser la carrière de Mulatu Astatke dans une autre sphère. En 1998, les Français de Buda Musique rééditent, pour la première fois en CD, une partie de sa production en provenance des labels éthiopiens Amha et Kaifa. Enfin, la reconnaissance internationale du musicien va atteindre son apogée en 2005, lorsque Jim Jarmusch utilise sa musique pour la B.O. de Broken Flowers.

Fusion

Sketches of Ethiopia est, de tous ses albums, celui où la définition qu’il a donnée de l’Ethio-jazz (« la rencontre de la gamme à cinq tons de la musique traditionnelle éthiopienne avec la gamme chromatique occidentale« ) atteint son plus haut point de fusion. Mais pas seulement. SOE est aussi le lieu de la rencontre entre les musiques de l’Est et de l’Ouest Africain, comme en témoigne la présence de la chanteuse malienne Fatoumata Diawara sur un titre. Jouant du piano, des claviers et du vibraphone, le leader dirige ici sa formation régulière, Step Ahead (qui comprend, notamment, le bassiste John Edwards et le pianiste Alexander Hawkins), augmentée de nombreux invités. Mélange singulier de mélodies et de sonorités ancestrales -ces dernières créées par des instruments comme le washint (une flûte en bambou), le krarr (une lyre) et le masinko (un luth à une corde)-, de cuivres, de choeurs féminins, de titres chantés (où domine la voix du chanteur Tesfaye) et de percussions au groove latino-africain irrésistible, Sketches of Ethiopia est un sommet de l’oeuvre de Mulatu et une porte d’entrée idéale pour découvrir l’univers musical foisonnant du musicien éthiopien.

PHILIPPE ELHEM

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