Les Disques Lexi, le label en solo qui n’est pas une île

Catherine Plenevaux © Harrisson
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

Épisode huit de notre série Belgium Underground, en collaboration avec PointCulture: Lexi Disques, micro-label aux 15 sorties depuis 2008.

À l’occasion du lancement de l’application Belgium Underground et en collaboration avec Point Culture, Focus revisite durant 10 épisodes l’histoire de 10 albums marquants (mais aussi de EP’s et de labels) de l’underground belge. Chanson française, synth-pop, électronique de salon, post-rock et garage-punk mélodique au menu.

Lexi Disques est ce que l’on appelle un micro-label. 15 références en 8 ans, et que des 45 tours tirés à 300 ou 500 exemplaires encore bien. « Ça se vend mal, c’est très cher à faire et pas du tout rentable », admet Catherine Plenevaux, 40 ans en octobre, et qui est à Lexi ce que Tony Wilson était à Factory, les délires mégalo et les plans financiers tordus en moins; simplement un nez fin collectionnant les coups de coeurs envers et contre tout, donc. Plenevaux fait les choses avec envie, sans forcément chercher à plaire, et en mode DIY imposé puisqu’elle exclut toute idée de professionnalisation du label: « J’ai perdu le sens de l’urgence de mes années de jeune adulte et je ne me sens pas en mission. Je fais ça par plaisir et c’est une excellente manière de concrétiser une rencontre musicale, vu que je ne sors des disques que de gens que je croise, en attendant un alignement des planètes. Parfois, ça arrive beaucoup et puis, il y a des années où l’on n’a envie de ne rien faire. Le 45 tours est un format génial quand on aime les morceaux, les chansons, les bouts de quelque chose. J’écoute Eliane Radigue et Phill Niblock à la maison mais en tant qu’éditrice, je me sens plus à l’aise et plus à ma place dans le format court. Le 7 pouces s’est imposé. C’est ma discipline. J’ai parfois eu envie de sortir du 10 pouces, qui est aussi un beau format, mais là, j’ai un parti-pris: Lexi fait du 45 et je m’y tiens. »

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Le hobby est bien entendu un poil fétichiste. Il a aussi permis à Catherine Plenevaux, obsédée « de naissance » par la chose musicale, de trouver ses marques et de s’épanouir dans un univers culturel qui ne lui a pas toujours été facile. Dans sa prime jeunesse, elle s’est bien essayée à la basse, instrument dont elle se rappelle avoir joué « sans talent ni réelle envie » au sein d’un groupe « un peu punk/métal » monté avec deux types de l’école et lâché, tout comme la basse, après un seul concert traumatisant. À 18 ans et pour un paquet d’années, elle se retrouve par contre plume régulière pour le magazine musical RifRaf. Écrire sur la musique est toutefois une douleur et une source de frustrations et la jeune femme finit par également abandonner les piges, au début des années 2000. Ce n’est qu’après s’être trouvé un « moyen de subsistance un peu moins précaire » (du travail de bureau) qu’elle trouve enfin sa place dans le monde musical et réalise son plus vieux fantasme: sortir un 45 tours de Benjamin Franklin, artiste belge, culte et underground issu du collectif Le Buffle, lui aussi belge, culte et underground. Ce seront 500 exemplaires sur un label nommé Lexi, « en hommage à Buzy, aux Disques du Crépuscule et un peu au disque Flexi de mon enfance. »

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Si Lexi Disques est bien le label d’une seule personne, « mon bébé », selon les propres termes de Plenevaux, en 2016, le nourrisson n’en est plus vraiment un. C’est désormais un gamin sociable âgé de 8 ans, une frimousse connue de l’underground bruxellois. En 2008, Catherine fabriquait elle-même ses pochettes avec un cutter et de la colle, dans sa cuisine. Depuis 2011, Lexi fait plus ou moins partie du collectif Pneu, très actif sur la scène bruxelloise. « J’ai beau aimer mon indépendance, rigole-t-elle, être seule avec une crise existentielle quand on hésite sur la couleur d’un macaron de disque, ce n’est pas toujours top-fun. » Pneu l’aide bien un peu à choisir ses typos, ses cutters et sa colle mais pas tant que ça, les décisions fondamentalement artistiques de Lexi restant indépendantes. C’est principalement au niveau logistique (son, soirées de lancement…) que le collectif apporte son savoir-faire et sa débrouille. « Il ne faut pas se leurrer, admet Plenevaux. Vraiment seule, je n’y arriverais pas. Il y a Pneu mais je suis également entourée d’autres personnes capitales à Lexi Disques: un gestionnaire de site Web, quelqu’un qui fait les impressions, un distributeur… D’où la devise du label, no man is an island. Seule mais pas trop, quoi. »

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Faute de direction artistique claire et catchy; comptant en catalogue des Français, des Hollandais, un Ecossais, un Américain et quelques belges, du post-rock, de l’électro pas trop dansant et de la bizarrerie geeky, Lexi n’a pas toujours été compris, même de ses proches: « J’ai été régulièrement prise à parti par mes amis parce que je n’ai pas une approche monolithique des choses, explique Plenevaux. Certains se sont agacés, prenant ça pour du dilettantisme, de l’incohérence, voire de la faiblesse. On m’a dit que je n’avais pas de vision et j’en ai pleuré (pour de vrai). Ce qui marche en ce moment, ce sont les labels avec une identité visuelle forte, genre Pan ou Vlek, et une direction musicale déterminée. Je privilégie plutôt une approche kaléidoscopique, prismatique, éclectique. Si tu assembles les petits 45 tours en mosaïque, il se peut que tu arrives à une image de ce que vers quoi le label tend, et qui est complexe mais très clair. Ce sont souvent des disques qui racontent des histoires, des disques très narratifs, qui fonctionnent comme des petits mondes en soi. On a déjà qualifié Lexi de label avant-pop. Je ne suis pas nécessairement contre même si c’est un peu réducteur. Ce sont des disques de début ou de fin de soirée, de la musique un peu en marge de la fête. » À ce jour, Lexi Disques ne compte toujours pas de tube, ce qui n’a jamais été un but en soi. Catherine Plenevaux, coeur d’artichaut, se contente en guise de rétribution de petits plaisirs, de gratifications, de reconnaissance: une chronique positive dans un magazine respecté, redonner l’envie à Philippe Delvosalle du label Ubik, également grosse influence sur Lexi Disques, de ressortir des choses… Malgré tout, la suite devrait se faire un peu remarquer. La prochaine sortie Lexi, « prête sous peu » est en effet un 45 tours de Front de Cadeaux, duo bruxello-romain qui ralentit le beat de dancefloor à un point narcotique assez fascinant et est en ce moment dans une phase ascendante de hype. Un 7 inches de groupe qui monte habitué à sortir des 12 inches? L’objet de collection assuré! No record is neither an island.

www.lexidisques.net

Belgium Underground, la nouvelle application de PointCulture, est disponible sur iOS et Android. Infos et téléchargement: www.belgium-underground.be

>> Lire également: L’appli Belgium Underground, l’autre Sound of B.

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