Les Ardentes : La flamme de NTM

JoeyStarr et Kool Shen aux Ardentes © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Jeudi soir, aux Ardentes, deux générations de rappeurs se retrouvaient à l’affiche. Avec plus de points communs qu’on aurait pu le penser…

On récapitule. Pour lancer ses festivités, les Ardentes s’offraient directement un jeudi à guichets fermés. Avec, il faut dire, une grosse affiche rap des familles, qui rassemblait tous les bestsellers du moment. Damso en tête. Une semaine après Couleur Café, le Dems a changé de maillot, mais pas de set. Imposant à défaut d’être spectaculaire, il enchaînera les morceaux les plus rentre-dedans de Batterie Faible et Ipséité, glissera trois petits extraits de Lithopédion (on avait oublié NMI), et une reprise de Mwaka Moon de, et, cette fois-ci, avec Kalash. Propre (ou plutôt saal, dans ce cas-ci).

Juste après lui, le Supreme NTM investissait à son tour la grande scène. « On y va ? », demande le jeune homme. « C’est pas un peu du rap de darons ? », ose son camarade. On ne va pas se mentir : dans une progra très « djeune », Kool Shen et JoeyStarr, désormais tous les deux quinquas, passaient en effet pour les anciens. Même pas old school. Non, non, juste « vieux ». Cela étant dit, si le public était différent que, au hasard, pour Rilès – « phénomène » rap français en anglais dans le texte qu’on n’a pas vu venir -, il était bien présent, en masse.

Etant donné que le duo n’a plus rien sorti depuis perpète, le concert devait en outre se résumer à une séquence nostalgie. Sauf que, depuis sa reformation, NTM a toujours mis les formes. Trop orgueilleux que pour se contenter de mouliner simplement dans le vide, Kool Shen et JoeyStarr veulent bien rabâcher, mais en beauté. Avec, dans tous les cas, un certain sens de la flamboyance. Certes, le poids des années commence tout doucement à se faire sentir – on a déjà vu Kool Shen plus nerveux et affûté. Mais à deux, les frères pétards font toujours des étincelles, rappant des classiques qui, 20 ans plus tard (…), restent toujours aussi percutants (Paris sous les bombes, Pose ton gun, Tout n’est pas si facile…) Derrière eux, DJ Pone et DJ R-Ash – le premier perché sur un 9, le second sur un 3, tu saisis ? – ne se contentent pas non plus de balancer les boucles, ou de jouer les simples faire-valoir, scratchant à l’envie. JoeyStarr et Kool Shen la jouent d’ailleurs volontiers collectif, en invitant plusieurs de leurs potes : comme le jeune Nathy, mais surtout les Raggasonic, Busta Flex, Zoxea ou encore Lord Kossity pour une version assez jouissive de Ma Benz (le tout, sous le regard de Bouli Lanners, en coulisses). Alors oui, tout ça ne renouvelle pas le schmilblick, le fait encore moins avancer. Mais la flamme est toujours là : comme quoi, NTM, on en n’attendait rien, et au final, on a quand même tout eu.

Un pied de nez des anciens pour la jeune garde ? L’illustration de la différence de mentalité entre l’ancienne école, et la nouvelle, plus soucieuse d’ « instragrammer » que de proposer de vrais shows ? Trop facile. Trop réducteur. C’est ce qu’on se disait en repensant au concert de l’autre binôme du soir, JeanJass & Caballero, juste avant sur la Wallifornia Beach. Certes, l’énergie des deux pieds nickelés du rap belge n’avait pas grand-chose à voir avec celle de Kool Shen/JoeyStarr. Et pourtant. L’esprit des deux concerts n’étaient pas si éloignés qu’on aurait pu le penser. Tandis que DJ Eskondo enfilait les sons, planqué derrière une carrosserie de merco blanche, Caba et JJ n’ont eu de cesse d’arpenter la scène (sur laquelle trônaient deux gros joints – on ne se refait pas). A leur manière, à la coule, mais en assurant la prise. Et puis, là aussi, le concert fut l’occasion d’inviter la famille, proche (Roméo Elvis, Senamo, Isha, Krisy, etc) et éloignée (les Suisses Di-meh et Slimka !), y compris pour venir jouer leurs propres titres (le Tosma d’Isha, la virée UK Garage Le Dessert de Roméo Elvis…).

Du coup, d’un concert à l’autre, et même avec une génération d’écart, c’est, l’air de rien, la même idée qui était revendiquée : celle qui veut qu’un concert rap ne soit pas qu’une mise en scène à la gloire de l’artiste-star, mais aussi, voire surtout, une célébration collective.

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