DJ superstar, Bob Sinclar est de retour avec Born in 69. Au programme: positive attitude et flower power sur le dancefloor.

Le DJ est une pop star comme les autres, c’est désormais une évidence. Mais depuis quand déjà? Petite cause, grandes conséquences: en 2005, la Star Ac’ choisit pour générique le titre Love Generation de Bob Sinclar. La gloire pour son auteur, qui ouvre une brèche: bienvenue dans l’ère des DJ stars, plus seulement pousse-disques mais bien vedettes populaires. Et tant pis si musicalement, ça pistonne un peu à vide. Ou si les derniers indices d’une crédibilité underground ont fondu sous les projecteurs de TF1. Comme le dit Christophe Le Friant (Bob Sinclar, c’est lui), « on ne peut pas tout avoir ». En tout cas, pas en même temps.

Aujourd’hui, Born in 69, le nouvel album du bonhomme, va trouver sa place dans tous les supermarchés de France, de Navarre, et bien au-delà. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Rencontré à Gand, dans un hôtel 4 étoiles du centre, Bob Sinclar se souvient: « The Mighty Bop, le nom sous lequel j’ai sorti mes premiers disques, se vendait à 4 000, 5 000 exemplaires. C’était confidentiel. On n’avait pas l’esprit pop à ce moment-là. » C’était au milieu des années 90. Christophe Le Friant lançait alors Yellow Productions avec son compère Alain Hô. L’enseigne deviendra très vite un des labels parisiens les plus branchés de la French touch. Aujourd’hui encore, Paradize ou les compilations Africanism restent des disques clés de cette période. Une décennie plus tard, alors que la deuxième vague frenchy (Justice, Yuksek, Ed Banger…) a relancé la machine, Bob Sinclar est classé tricard par les spécialistes. « Certains diront que c’est devenu très commercial. Mais cela fait plus de 10 ans que je suis là. Alors si le succès mondial est là, ne claque pas la porte, ouvre-la. Derrière toi, tu as du matelas, tu as fait ce qu’il fallait. »

En 2009, Bob Sinclar joue donc le rassembleur, mélangeant ses influences hip-hop, disco, house… Le but: faire bouger de 7 à 77 ans avec une dance music positive, propre sur elle. D’ailleurs, Bob l’assure, il ne boit pas, ne fume pas, ne se drogue pas. Il reste toujours mince et bronzé, visage presque christique avec sa barbe et ses cheveux mi-longs. Lui qui au départ n’apparaissait même pas sur ses pochettes… « Quand j’ai commencé, il n’y avait pas d’exemples de DJ qui avaient réussi. Surtout en France: il fallait presque se cacher. » Aujourd’hui, Christophe Le Friant ne se dissimule plus et l’image n’a même jamais autant compté. « Je n’ai pas le physique de quelqu’un qui vient de l’électro: le look un peu perturbé, un peu fashion, comme on peut l’être dans le parisianisme un peu aigu. Il fallait donc jouer un peu avec ça. » Comment? « En se mettant en scène, toujours avec beaucoup de dérision… A ce niveau-là, je suis dans la culture du Café du Splendid, des Bronzés ,… »

Au départ, Bob Sinclar tire son nom du personnage de Belmondo dans le Magnifique (1973). Il est présenté comme une ex-star du porno, reconvertie dans les services secrets. Aujourd’hui, la donne a un peu changé. Dans ses clips, Bob Sinclar arrose gentiment la pelouse pendant que des gamins passent en vélo dans la rue… « J’aime les thèmes qui fédèrent. Ça, c’est grâce aux Jamaïcains avec qui j’ai travaillé. Ils écrivent des choses basées sur leurs expériences de partage, d’émotion, de vécu, sur l’enfance. Sur leurs rêves aussi, sur l’American dream. Ils ne cachent pas leur envie d’avoir de l’argent. Ou en tout cas leur espoir d’un monde meilleur. »

Pour son nouvel album, Bob Sinclar se plonge donc dans le Summer of love. Celui de Woodstock, en 69, année de sa naissance. Flower power sur le dancefloor, jusqu’à sampler Richie Havens ou oser une reprise, insoutenable, du Tambourine Man de Dylan. Plus fort encore: celui qui a mixé à la Concorde le soir de l’élection de Sarkozy a obtenu un sample de Manu Chao, chantre de l’altermondialisme. « J’aime faire rentrer dans mon univers des choses qui ne sont pas forcément associées à ma musique. Manu Chao a la réputation d’un mec très difficile. Et curieusement, le manager m’a rappelé pour me dire: « voilà, il ne te connaît pas, mais il aime bien l’idée, on le fait « ! »

Fan de rap, Sinclar a aussi été ressortir le Sugarhill Gang, auteur du tout premier tube du genre: Rapper’s Delight, sorti en 79, hit mondial sur lequel le groupe, largement escroqué par son label, ne touchera quasi rien. Quand les vétérans arrivent en studio, ils sont d’ailleurs bien décidés à en remontrer à la jeune génération. Sans faire de concessions. Problème: ce n’est pas ce qui intéresse Bob. Pour Lala Song, le premier single de l’album, il entend un flow millésimé 79, le verbe festif, les « Put your hands in the air! »… « Alors, ils ont changé quelques lignes, et c’est devenu quelque chose de frais, de happy. «  La « positive attitude » encore et toujours… « Si ça fonctionne, les gens diront à nouveau que c’est facile et commercial. Exactement comme Love Generation . Mais quand je sors ce morceau, en 2005, c’est aussi le moment où explose l’électro. Et moi, j’arrivais avec quatre accords de guitare acoustique et un chanteur reggae! Plusieurs m’ont dit que j’allais me prendre une volée. Mais c’est ce qui me faisait kiffer! J’ai ressenti une telle émotion en faisant ce titre, que maintenant, avec le succès, j’ai la possibilité de me dire: voilà, Chris, il faut absolument que tu éprouves le même genre d’émotion sur tous les titres que tu vas produire dans le futur. Je ne sais pas forcément comment l’obtenir. Mais le jour où je la ressens, je peux dire: voilà, ça c’est la clé. »

Bob Sinclar, Born in 69, distribué par News.

Entretien Laurent Hoebrechts

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