Le véritable destin d’Anna May Wong, actrice sino-américaine qui a dû se battre pour apparaître à l’écran

Anna May Wong n'a jamais pu s'extraire du carcan ethnique dans lequel Hollywood l'a maintenait. © Getty Images
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Le destin d’Anna May Wong est bien différent de celui exposé dans la mini série Netflix Hollywood puisqu’elle n’a jamais pu s’extraire du carcan ethnique dans lequel l’industrie cinématographique américaine la maintenait. Retour sur le parcours de cette actrice qui a dû se battre pour apparaître à l’écran.

Ceux qui ont récemment binge-watché Hollywood, mini-série Netflix idéalisée à la gloire des minorités qui mêle le vrai et le faux pour réécrire l’âge d’or hollywoodien en mode inclusif, l’auront vue triompher aux Oscars à la fin des années 40 après une difficile traversée du désert. Dans les faits, Anna May Wong n’a bien sûr jamais remporté de statuette dorée. Seules les galères et les désillusions, hélas, sont avérées. Et ce, largement en raison d’une double « tare » intersectionnelle: son appartenance ethnique et sa féminité.

Actrice sino-américaine née à Los Angeles en 1905, Anna May Wong (Wong Liu Tsong de son vrai nom) est issue d’une famille d’immigrants chinois de la seconde génération. À l’âge de quatorze ans seulement, et alors qu’elle travaille toujours à la blanchisserie tenue par ses parents, elle fait sa première apparition à l’écran en tant que figurante dans La Lanterne rouge, super- production d’Albert Capellani en partie tournée dans le Chinatown de L.A. C’est un ami de son père, acteur et agent chinois, qui obtient qu’elle soit embauchée dans un milieu qui se prête sans vergogne aucune à la tradition du « yellowface ». En clair: les acteurs blancs occidentaux se griment, se costument, adoptent un accent et un comportement particulier pour hériter des personnages asiatiques d’une certaine importance dans les films.

Pratique largement répandue qui n’empêche néanmoins pas Anna May Wong de décrocher dès 1922 le rôle principal de Fleur de Lotus de Chester M. Franklin, librement inspiré de l’opéra Madame Butterfly, puis de jouer aux côtés de Douglas Fairbanks, la plus grande star masculine de l’époque, dans Le Voleur de Bagdad de Raoul Walsh deux ans plus tard. C’est le début d’une étonnante success story qui verra la comédienne s’imposer comme une interprète de premier plan reconnue et appréciée sur plusieurs continents.

Gloire et déboires

Très vite, pourtant, la jeune femme perçoit les limites du cadre qu’on lui assigne. Elle enchaîne les rôles mineurs dans des productions où elle incarne tour à tour une Arabe, une Inuit, une bohémienne ou même une Russe, preuve que son ethnicité a, pour le système, avant tout valeur de vaste fourre-tout de l’altérité.

Frustrée par les rôles stéréotypés que lui offre Hollywood, elle prend le chemin de l’Europe à la fin des années 20. Là, elle se revendique d’une identité garçonne et joue habilement de son sex-appeal à l’écran, comme dans le Piccadilly d’Ewald André Dupont (1929), devenant une véritable petite icône exotique à la mode.

Périodiquement de retour en Amérique au cours des années 30 afin d’y capitaliser sur ce succès, elle tourne notamment dans Shanghaï Express de Josef von Sternberg (1932) et La Fille de Shanghai de Robert Florey (1937). Mais connaît la plus grande déception de sa carrière entre ces deux jalons marquants lorsque, en 1935, la Metro-Goldwyn-Mayer lui refuse le rôle principal de Visages d’Orient, adapté d’un best-seller de Pearl Buck racontant la vie quotidienne d’une famille de paysans chinois, en raison du fameux code Hays qui interdit alors les gestes intimes entre les diverses ethnies.

Dès la fin des années 30, elle n’enchaîne plus que les anecdotiques séries B puis les séries télévisées. En 1961, à 56 ans, elle meurt d’une crise cardiaque alors même qu’elle espère encore faire son grand retour au cinéma dans le film musical Au rythme des tambours fleuris, ultime revers d’un parcours riche d’une soixantaine de longs métrages qui mérite, aujourd’hui sans doute plus que jamais, d’être réhabilité.

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