De Luc et Jean-Pierre Dardenne. Avec Arta Dobroshi, Jérémie Renier, Fabrizio Rongione. 1 h 45. Sortie: 27/08.

Leur démarche claire, exigeante, humainement généreuse et esthétiquement maîtrisée, a fait des frères Dardenne une référence dans le cinéma mondial de ce début de siècle. Née de La Promesse, leur démarche très personnelle a su s’épanouir dans Rosetta, Le Fils et L’Enfant, films marquants et intenses où leur méthode particulière (caméra mobile, chevillée aux personnages, ellipses audacieuses, absence de musique, fins ouvertes et volontiers abruptes) trouva son apogée. Restait à poursuivre sans se répéter, sans que la grâce s’abîme dans la formule. A ne pas « faire du Dardenne » mais à évoluer tout en restant fidèle à l’essence (et au sens) d’une démarche on ne peut plus singulière.

Le Silence de Lorna répond à cette nécessité avec une remarquable évidence. Le réalisme épuré des frères s’enrichit d’une atmosphère de film « noir » et d’une sensualité que le choix de la vibrante Arta Dobroshi pour interprète principale favorise éminemment. La comédienne née à Pristina (au Kosovo) fait merveille dans le rôle de Lorna, jeune femme albanaise immigrée en Belgique où elle rêve de tenir un snack avec son petit ami Sokol. Pour obtenir les moyens financiers indispensables à ce projet, elle va se prêter à un « arrangement » que Fabio, un homme du « milieu », lui a proposé. Elle épousera d’abord Claudy, un drogué à la dérive, pour obtenir la nationalité belge. Ensuite, elle divorcera et pourra effectuer un second mariage blanc avec un mafieux russe prêt à dépenser beaucoup pour obtenir lui-même cette nationalité. Mais les choses prendront un aspect tragique quand Fabio, impatient, décidera d’éliminer Claudy sans attendre la fin de la procédure de divorce…

Scrutant comme à leur habitude des êtres plongés dans les problèmes de leur temps et confrontés à une question morale, les Dardenne signent un film de bout en bout captivant. Le choix du 35 mm (au lieu du 16 mm des films précédents) conduit à un style plus serein, sinon plus classique. La caméra bouge nettement moins, elle ne « participe » pas autant au déroulement de l’action, mais observe avec une rare acuité. Les tensions qu’apporte cette écriture apparemment plus détachée fécondent admirablement une £uvre dont la profonde noirceur n’exclut pas une paradoxale et solitaire beauté. Le jury du Festival de Cannes a vu juste en primant le scénario du Silence de Lorna. Mais c’est tout l’art des frères qui trouve une nouvelle éloquence dans ce film à l’impact profond, hantant le spectateur bien au-delà des images finales qu’accompagne, autre nouveauté surprenante, de la musique…

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L.D.

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