The Bony King of Nowhere prononce Alas My Love, son premier discours officiel. Un album mature enregistré avec Koen Gisen dans un ancien bar gay de Gand.

A la sortie d’un premier album, aussi accompli soit-il, les jeunes artistes n’ont pas souvent grand-chose à raconter. Et ce n’est pas tant par timidité que par manque de vécu, de chemin parcouru. Des histoires, le réservé Bram Vanparys en a pourtant plein sa besace. Plus incroyables les unes que les autres. Si on n’avait pas vu Big Fish de Tim Burton, on prendrait sans doute le jeune Gantois pour un mythomane.

Ses premières chansons, celui qui se fera appeler The Bony King of Nowhere en hommage à Radiohead (c’est le sous-titre de There There) les enregistre dans sa chambre en vue de les faire écouter à Devendra Banhart. Le jour où ce dernier se produit à l’Aéronef de Lille, il invite au hasard un membre de l’assistance à monter sur scène interpréter l’une de ses compositions. Bram, avec son timbre de voix aussi doux et clair qu’un Nick Drake, laisse tout le monde pantois. Le barbu aux allures christiques lui enverra une lettre écrite à la main aussi courte qu’encourageante.  » Hey Bram, thanks for the music! If you have any new songs I would love to hear them. See you soon and much love. Devendra. »

Tout le monde tombe sous le charme ensorceleur du Bony King of Nowhere. De sa voix aérienne et de son visage angélique. Repris sur la compilation du magazine Wire pour présenter le festival Domino, le jeune homme a même séduit Kieran Hebden, alias Four Tet.  » Il m’a contacté pour savoir s’il pouvait utiliser la chanson Alas My Love dans la B.O. de son film. Peu importe de quoi il parle tant qu’il ne s’agit pas d’un porno… Un prof de danse au Canada s’est même servi du morceau pour une performance. »

Il y a cinq ans, le petit prince du folk n’avait jamais touché une guitare ou quelque instrument que ce soit. Rattrapé par son amour passionné pour la musique, il s’est tracé un improbable chemin le menant de concours en conservatoire. Du bar du Vooruit (parce qu’il faut payer le loyer) au Baron, réputé et minuscule club parisien où Mick Jagger a déjà fêté l’un de ses anniversaires.

Kelly watch the stars

Le premier album du Bony King a été enregistré lors de longues soirées d’hiver, à la chaleur d’un poêle, dans une ancienne écurie reconvertie en bar gay puis en studio d’enregistrement. Ce drôle d’endroit (non, on ne veut définitivement pas savoir ce qu’il se passait à l’époque dans la dark room) n’est autre que la tanière de Koen Gisen et de sa moitié, An Pierlé. « En février 2007, j’ai assuré leur première partie pour la première fois. Koen m’avait repéré. Il passe beaucoup de temps sur MySpace afin de découvrir des groupes étant donné qu’il bosse comme programmateur pour le Vooruit. On a commencé à parler de guitares, d’amplis… Et un mois plus tard, il m’a dit que si je voulais enregistrer un disque, il le produirait volontiers. »

Le Bony King of Nowhere a toujours résolument été un projet solo. Mais l’unique auteur et compositeur Bram Vanparys le considère pratiquement aujourd’hui comme un duo tant l’aide de Gisen lui fut précieuse. Bram écrit majoritairement ses chansons en très peu de temps. Un flux continu d’une dizaine de minutes tout au plus. Elles ne prennent souvent sens que beaucoup plus tard.

Le jeune songwriter a ainsi acheté pour 750 euros sur Internet une guitare espagnole datant de 1987. « J’ai demandé au vendeur pourquoi il bradait cet instrument évalué à 3500 euros. Il m’a expliqué qu’il était gravement malade et n’en avait plus pour longtemps à vivre. Ce qui me semble complètement dingue, c’est que je voulais cette guitare pour l’intégrer à la chanson Maria que j’avais écrite trois ans auparavant et qui raconte les dernières minutes d’un mourant. J’ai envoyé un mail à cet homme pour le remercier. Il n’a jamais répondu. »

Si Alas My Love a été mixé par Jon Kelly, assistant de George Martin lors de l’enregistrement du White Album cher aux Beatles, puis collaborateur de McCartney et de Kate Bush, sa pochette est l’£uvre du photojournaliste norvégien Jonas Bendiksen. Elle représente un satellite que le gouvernement russe a fait, comme souvent, s’écraser au milieu de nulle part dans la campagne.  » La population, très pauvre, récupère le métal et autres pièces détachées pour se faire un peu d’argent. Or beaucoup de produits chimiques s’échappent de ces épaves », termine le songwriter. C’est du charme, du talent et de l’intelligence que, lui, dégage. Vive le roi!

Texte Julien Broquet

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