Le Passeur

Dans les drames migratoires de la Méditerranée, le passeur est souvent vu comme le profiteur d’un système de mort, n’hésitant pas faire fructifier un business basé sur l’espoir de pauvres bougres. C’est ce que fait Seyoum, gros bras du trafic humain actif sur la côte libyenne. Dans la chaleur étouffante d’un État en faillite, il orchestre des convois morbides, lançant sa  » cargaison » de Soudanais, Éthiopiens et Érythréens sur la mer quelle que soit la météo. Dans ce secteur, la concurrence est rude, les garde-côtes gourmands en bakchichs et les échanges se font à coups de biftons, de rasades de gin et de khat. De quoi brouiller le cerveau et faire taire les pleurs. Tout le monde est ici blessé: les passeurs d’aujourd’hui sont souvent les naufragés d’une traversée manquée d’hier. C’est ainsi que le visage d’une nouvelle candidate à l’exil rappelle à Seyoum ce qui l’a mené sur ces rivages hostiles et ses propres épreuves d’alors. Au manichéisme bourreau-victime, Stéphanie Coste préfère un tableau gris, sans éviter parfois les gros rebondissements romanesques tirant sur les ficelles du mélodrame. Ce premier roman, court, confirme le factuel de la catastrophe humanitaire libyenne, l’échec d’un monde, et rattrape ses défauts par son rythme haletant.

De Stéphanie Coste, éditions Gallimard, 136 pages.

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