Critique

Le film de la semaine: Sils Maria, un grand film tout simplement

Juliette Binoche et Kristen Stewart dans Sils Maria © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Olivier Assayas retrouve Juliette Binoche pour Sils Maria, scintillant portrait de comédienne(s) doublé d’une réflexion aiguisée sur la fuite du temps.

La filmographie d’Olivier Assayas est constituée, notamment, de fructueuses correspondances. Et tout comme Après mai, son précédent opus, renvoyait à L’Eau froide, Sils Maria, son nouveau film, fait écho à Irma Vep, portrait de Maggie Cheung en actrice déracinée réalisé en 1996, mais encore à un Rendez-vous qu’il écrivait avec André Téchiné il y a près de 30 ans. Juliette Binoche y campait une débutante dans la quête angoissée d’un premier grand rôle; on la retrouve aujourd’hui sous les traits de Maria Enders, comédienne accomplie à qui un metteur en scène propose de reprendre la pièce qui l’avait fait connaître 20 ans plus tôt, en une sorte d’ultime hommage à son auteur, Wilhelm Melchior, tout juste disparu. Mais là où Maria incarnait autrefois une jeune ambitieuse, elle sera aujourd’hui la victime d’icelle. Le prétexte à un troublant jeu de rôles entre elle et sa future partenaire, Jo-Ann Ellis (Chloë Grace Moretz), mais aussi avec son assistante, Valentine (Kristen Stewart), la partition jouant les notes de la marche cruelle du temps…

Un double dialogue

Si l’ombre du All About Eve de Mankiewicz plane de toute évidence sur Sils Maria, le regard que porte Assayas sur la figure et la condition d’actrice(s) n’en est pas moins éminemment singulier. Evoluant dans un espace poreux, le réalisateur orchestre un fascinant pas de deux entre réel et création, en même temps qu’il entame un dialogue fécond entre présent et passé. Subtile, la mise en abîme est aussi pénétrante, dont le champ semble bientôt s’élargir en diffractions successives, dans un mouvement d’une rare fluidité. La réflexion existentielle s’y double d’un fascinant portrait de comédiennes (le duo que composent Juliette Binoche et Kristen Stewart est rien moins qu’étincelant); le regard en coin sur l’industrie hollywoodienne s’y assortit d’une vision aiguisée (et drôle au besoin) d’un monde contemporain hyper-connecté et hyper-médiatisé, manière encore de prendre la mesure d’un temps fuyant. Soit, en définitive, une oeuvre d’une richesse exceptionnelle comme d’une densité humaine peu banale; un grand film, tout simplement.

  • De Olivier Assayas. Avec Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz. 2h04. Sortie: 20/08.
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