Pionnier du grunge, Jay Mascis confirme avec son nouvel album, pop et noisy, la résurrection de Dinosaur Jr.

Si Kurt Cobain s’était abstenu de porter des t-shirts Dinosaur Jr., beaucoup n’auraient sans doute jamais entendu parler de la bande à Jay Mascis. Sans lui pourtant, Nirvana n’aurait probablement pas existé. Groupe culte formé en 1985, Dinosaur Jr. a ouvert la voie à tout un courant mal peigné du rock indépendant américain. Partagé entre l’envie de séduire avec des mélodies accrocheuses et celle de les enfuir sous des tonnes de distorsion, le trio du Massachusetts adepte des guitares crades et dissonantes, des cheveux longs et gras, est incontestablement l’un des grands précurseurs du grunge.

« Je ne nourris pas d’amertume. Nous avions peut-être les chansons mais la voix de Cobain pouvait passer sur les radios grand public. La mienne n’est franchement pas terrible. » Né le 10 décembre 1965, Jay (pour Joseph) est un nerd à la longue tignasse blanche. Gentil mais peu loquace, il ressemble à un sorcier. S’exprime lentement. Mâche ses mots comme un vieillard fatigué. « J’ai tout de suite été suspicieux avec Pearl Jam, reprend-il. Et je me demande parfois si Mudhoney n’est pas le seul groupe grunge à avoir existé. C’était génial que cette musique ait l’occasion de rencontrer les foules mais les choses ont vite mal tourné. Parce que le succès, même quand on y aspire, ne rend pas heureux. Je ne me suis guère suicidé mais au moment où nous avons commencé à être reconnus, à sortir de l’ombre, je déprimais. »

Dinosaur sort son premier disque en 1985 mais se rebaptise ironiquement Dinosaur Jr. suite aux menaces de procès des Dinosaurs composés d’anciens membres de Jefferson Airplane et de Country Joe and the fish. « Le Fish en question était avocat… »

Après avoir signé avec SST, label californien qui a abrité Black Flag et les Meat Puppets, le trio enregistre You’re living all over me. A l’écoute de ce son dense, blindé de distos, les responsables de la maison de disques sont persuadés qu’un problème technique majeur a endommagé la master tape…

« J’ai dû leur expliquer que le son était normal, sourit Mascis . J’ai commencé derrière les fûts (avec le groupe de hardcore Deep Wound). Je voulais que les guitares de Dinosaur Jr. fassent le même effet qu’une batterie. Je voulais les sentir bouger en moi. »

Retour en grâce

Alors qu’à la fin des années 80, Dinosaur Jr. élargit son auditoire en reprenant le Just Like Heaven des Cure, Jay Mascis et Lou Barlow, qui sent bridées ses aspirations de songwriter, ne se parlent pratiquement plus. Barlow s’en va former Sebadoh. Et en 1991, The Green Mind composé, enregistré et produit par le seul Jay, sort chez Warner. « Dans les années 90, je dirais même surtout à partir de Nirvana, les majors ont capté qu’elles pourraient se faire du blé avec le rock indé. »

Personne n’aura le temps de s’engraisser sur le compte de Dinosaur Jr. Le batteur Patrick Murphy se barre après la sortie de Where you been (1993) et abandonne Mascis. Deux disques et quatre ans plus tard, le groupe est renvoyé par sa maison de disques. L’espèce s’éteint. Jay, sous son propre nom, trace son chemin.

En 2002, il amorce le come-back du plus mythique groupe d’Ann Arbor en tournant avec les frères Asheton, Mike Watt et les chansons d’Iggy. « Si on ne l’avait pas piqué dans son ego, l’Iguane n’aurait jamais reformé les Stooges. »

En 2004, Mascis se réapproprie les droits des albums de Dinosaur Jr. et décide de les rééditer sur le label Merge en 2005. Dinosaur Jr. repart en tournée avec son line-up originel. Mascis et Barlow enterrent la hache de guerre. « L’idée est venue assez naturellement. Sans forcer les choses. Nous nous sommes revus et nous avons fait une croix sur le passé, les différends qui nous opposaient. La communication a été l’un des problèmes constants au sein du groupe. On ne se comprenait pas assez. Ou on se comprenait trop peut-être… Lou au début était très taiseux. Mais on aimait la même musique. Puis il a eu une gonzesse. Il s’est mis à parler tout le temps. On devenait dingues. Les compagnes, c’est pas toujours évident. Regardez André Agassi. Il n’en touchait pas une quand il sortait avec Brooke Shields. Et lorsqu’ils se sont séparés, il est revenu au sommet. »

Avec Farm, ces sommets, Dinosaur Jr. parvient à les tutoyer. Ce disque, Jay Mascis l’a enregistré à la maison. Dans son studio où ont déjà bossé ses potes de Sonic Youth.

« Une petite pièce sans fenêtre à déconseiller aux claustrophobes. Quand je me décide à plancher sur un nouvel album, l’idée est juste d’écrire de chouettes chansons et de les enregistrer. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’il y a beaucoup de bons groupes mais peu de bons disques. Le jazz vient souvent s’immiscer dans des projets rock noisy. Ce n’est définitivement pas mon truc. Quand j’entends un saxophone, je coupe le son ou je me tire.  »

En concert au Pukkelpop (Hasselt) le 22/8.

www.myspace.com/dinosaurjr

Entretien Julien Broquet

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