
Le côté obscur de la farce
Inutile, répétitif, graveleux, vulgaire, sensationnaliste, pestilentiel… Le fait divers n’a pas toujours bonne réputation. À dose homéopathique, il a pourtant des vertus artistiques étonnantes. Les surréalistes appréciaient ainsi sa manière de tordre le réel jusqu’à l’absurde. Et Roland Barthes lui reconnaissait un pouvoir de fascination par sa capacité à être » une information totale, ou plus exactement immanente ». Il contient en soi tout son savoir et ne nécessite pas de long préambule -sur le contexte social, culturel ou politique- pour être compris. Une concision fulgurante et un usage à vif du langage qui ne pouvaient que frapper l’imagination des écrivains et artistes. Le fait divers est à la fois une information brute, factuelle, et un théâtre miniature où se rejouent sans cesse les grands mythes de l’épopée humaine. En digne héritier de Félix Fénéon, qui en troussait à la pelle dans ses Nouvelles en trois lignes dans le journal Le Matin au début du XXe siècle, sorte d’ancêtre de Twitter, Didier Paquignon collectionne depuis toujours ces fragments d’humanité tragi-comique et s’amuse à les illustrer très librement. Au réalisme étriqué, il préfère l’allégorie graphique. Ses monotypes -une technique d’impression sans gravure et à tirage unique- lorgnent vers l’humour noir d’un Topor pour saisir le grain (de folie) de ces 87 histoires tantôt cruelles, tantôt grotesques, tantôt innocentes, mais toujours extravagantes: la mafia qui met le feu aux queues des chats, le Luxembourg qui double son contingent militaire au Mali en envoyant… un soldat de plus, une triathlète iranienne contrainte de respecter les codes vestimentaires de son pays… On nage en plein délire. Heureusement adouci par la poésie burlesque des images…
Le coup du lapin, et autres histoires extravagantes, de Didier Paquignon, éditions Le Tripode, 180 pages.
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