Le bonheur est dans le pré – D’une rare simplicité, cette chronique de formation d’un jeune apprenti à la ferme est un bonheur de film, authentique et sobre, émouvant et beau.
De Samuel Collardey. Avec Paul Barbier, Mathieu Bulle. 1 h 25. Sortie: 09/09.
Si souvent réduit par le cinéma à ses dimensions les plus caricaturales, le monde agricole nous offre pour la seconde fois cette année un très (très) beau film. Après le merveilleux documentaire du vétéran Raymond Depardon, La Vie moderne, c’est au tour d’un jeune cinéaste de se frotter à la réalité rurale pour en tirer une £uvre significative et marquante. Samuel Collardey a pris pour personnage principal de L’apprenti un jeune élève d’un lycée agricole. Mathieu a 15 ans et suit une formation en alternance comme aide dans une petite exploitation laitière des plateaux du haut Doubs. Paul, le fermier âgé, fait penser aux paysans du film de Depardon. Il va devenir peu à peu le mentor, l’ami, la figure paternelle d’adoption, dont l’adolescent a sans doute besoin face aux questions qu’il se pose. Car s’il apprend les techniques agricoles, la rude réalité du terrain, Mathieu cherche aussi ses marques, une place dans le monde…
Interprété par des acteurs non professionnels, vivant les situations autant qu’ils les jouent, L’apprenti a reçu le Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Venise. Une récompense méritée pour une £uvre à la fois très simple et très belle, vierge d’effets sentimentaux et emplie d’humanité.
Sur le fil
Samuel Collardey, lui-même originaire du Doubs, y prolonge son court métrage de fin d’études à la FEMIS, Du soleil en hiver, qui évoquait déjà les liens se formant entre un éleveur et son apprenti. Le jeune cinéaste français signe un film de formation plein de justesse et de pudeur, un film tranquille et bouillonnant pourtant d’émotions retenues. Sans avoir l’air d’y toucher, il nous offre une petite heure et demie de bonheur sur le fil, de plus en plus mince et fréquenté, séparant la fiction du documentaire (voir notre encadré). Une voie qu’explore aussi et à sa manière personnelle un autre jeune cinéaste de talent tel l’Américain d’origine iranienne Ramin Bahrani, qui s’est déjà illustré dans des films de fiction joués par des non-professionnels et ancrés dans la vie quotidienne comme Man Push Cart ou Chop Shop. Au moment où, par ailleurs, le filmage façon documentaire envahit jusqu’à certaines grosses productions commerciales (voir Slumdog Millionaire), la confusion des genres est de plus en plus à l’ordre du jour. Pour le pire parfois, mais aussi pour le meilleur, comme dans cet Apprenti de si belle et touchante évidence.
Louis Danvers
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