Critique | Musique

L’album vertigineux de Young Fathers, au nom du groove

4,0 / 5
© DR
4,0 / 5

Album - Heavy Heavy

Artiste - Young Fathers

Genre - Urban

Label - Pias

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Young Fathers propose un album vertigineux, dont les rythmes épongent les malheurs du monde, sans vouloir les éluder. Un exercice de joie crue.

La première impression de ce quatrième long des Écossais de Young Fathers -le premier depuis 2018- est ce son. Pressé, compressé, empilant les couches de frénésie et de multiples parfums. Cela commence par Rice, où la voix d’intro rappelle un croassement à la Dylan alors que démarre en trombe un soundtrack qui a tout du paysage zoulou sud-africain, avec profusion de chœurs. D’ailleurs, l’accompagnement de choristes féminines, peu ou prou présentes dans le mix, est une quasi-constante des dix morceaux où elles flottent comme un nuage caféiné sur le fog d’Édimbourg. Le communiqué nous dit que les vainqueurs du Mercury Prize en 2014 (en concert le 22 février au Trix à Anvers) se sont ici concentrés sur la performance des trois titulaires: Alloysious Massaquoi, Kayus Bankole et G. Hastings. Concernant l’étiquette hip-hop de départ des “Jeunes Pères”, la nuance apportée au fil du temps, s’intensifie encore. Quelques traces de rap sont là, mais minoritaires plutôt que comme une identité globale revendiquée. C’est le cas dans Geronimo, premier single paru l’été dernier ou dans l’intro rap de Shoot Me Down, rayon épicé d’un grand magasin qui brasse spoken word, les chorales déjà évoquées et accompagnement bombastique. Croisant un maximum de sonorités: noires, rock, synthétiques, folks ou arabes. Ces deux dernières sont marquantes dans l’étonnant Ululation, où via les hululements, on se croirait dans une cérémonie ponctuée de youyous nord-africains, mais possiblement voisins de cornemuses libertaires.

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Glam

L’un des moments les plus étonnants d’Heavy Heavy arrive avec Tell Somebody: vaste intro d’orgue Hammond, cris junglesques et para-gospel puissant. Quel bazar, comme aurait dit Arno. Mais bizarrement, cela fonctionne de manière unitaire. Le blend, improbable sur papier, révèle une matière qui fait danser, enrobe, intrigue, avec ou sans madeleines de Proust. Celles où chacun ramène son propre pedigree musical et ses grains intimes. Dans deux morceaux au moins –I Saw et Be Your Lady-, on a le sentiment d’être replongé dans les années glam, y compris celles de Gary Glitter et de son beat tchakaboum. Loin quand même des idées du pédophile britannique vu ce que YF donne ici sur ses intentions politiques: “L’album est comme un pamphlet qui passe votre porte pour dénoncer l’establishment, celui qui accuse les migrants de tous les crimes. Il est aussi question de la puanteur d’un empire mort depuis longtemps, de sa lente décomposition et des illusions psychologiques qui l’ont accompagné.”

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