La Revue du stagiaire: For What It’s Worth – Buffalo Springfield

Bruce Palmer, Dewey Martin, Stephen Stills, Neil Young, Richie Furay © Michael Ochs Archives/GettyImages

Chaque semaine, notre stagiaire se penche sur une chanson qui a marqué l’histoire de la musique. Cette semaine: For What It’s Worth, une manifestation qui tourne mal.

À l’heure où le climat est à la contestation et à l’indignation face aux événements qui surviennent en Ukraine, (re)découvrons For What It’s Worth de Buffalo Springfield, chanson qui rappelle à quel point la violence n’est toujours que folie.

Le 23 décembre 1966, le groupe Buffalo Springfield a sorti le single qui apparaîtra aussi sur la réédition de leur premier album. Cette « protest song » est, encore aujourd’hui, reprise dans de nombreuses manifestations et son message reste universel et lourd de sens.

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Une manifestation qui tourne au vinaigre

For What It’s Worth est une chanson engagée écrite par Stephen Stills, en 1966, en réaction aux émeutes survenues sur le Sunset Strip, à Hollwood, la même année. Beaucoup de personnes pensent qu’elle parle de la fusillade de Kent State, mais ces événements sont survenus trois ans après la sortie du titre. Depuis quelques temps, le Sunset Strip était devenu le lieu de rassemblement des jeunes de la contre-culture hippie et rock. Dès que la nuit tombait, ces derniers se rassemblaient à plusieurs centaines autour des bars, et plus particulièrement autour du club Whisky A Go Go, l’endroit où se produisait le plus souvent Buffalo Springfield. Ces foules de jeunes avaient le don de déranger et même effrayer les habitants du quartier et les clients des pubs fréquentés par les adultes. À l’appel de ces derniers, la ville a mis en place un couvre-feu visant directement les jeunes et les lieux qu’ils fréquentaient.

Dès l’application de ces mesures, les protestations pacifiques ont commencé et, petit à petit, le ton est monté chez les jeunes. Le 12 novembre, tout éclata. Des tracts appelant à la manifestation et au rassemblement général ont été distribués. Le manager du groupe, Richard « Dickie » Davis raconte dans le livre For What It’s Worth: The Story of Buffalo Springfield que « La première nuit, les flics ont essayé de chasser les enfants des rues pour avoir enfreint le couvre-feu. […] Ce n’était pas une émeute mais les flics devaient se frayer un passage. Ainsi, la nuit suivante, 200 policiers se sont présentés dans une démonstration de force. Ils étaient prêts le deuxième soir et se sont vraiment acharnés sur les enfants. Puis une émeute a eu lieu. Je regardais tout cela depuis un appartement au-dessus du Strip avec David Crosby, Peter Fonda, Brandon DeWilde et quelques autres. [ndlr: Buffalo Springfield était en concert à San Francisco, ce soir-là] Steve [diminutif de Stephen] en a entendu parler à la télévision et m’a appelé. Je lui en ai parlé au téléphone.« 

Le club, Whisky A Go Go, près de Sunset Strip
Le club, Whisky A Go Go, près de Sunset Strip© AaronP/Bauer-Griffin/GC Images/GettyImages

À son retour, Stephen Stills, choqué par la violence des faits et par l’absurdité des actions de toutes les parties, s’est retiré dans sa maison de location à Topanga Canyon et en est ressorti, le lendemain, avec For What It’s Worth. « C’était la première fois que la police agissait comme des crétins. C’était une bande d’enfants qui traînaient dans la rue et bloquaient la circulation. Puis tout à coup, c’était comme si la Gestapo s’alignait de l’autre côté de la rue. » Plus tard, Stills annonça qu’il avait d’abord commencé à écrire une chanson sur la guerre au Vietnam, et que For What It’s Worth parle, en partie, de cela aussi. Dans le livre Long May You Run: The Illustrated History de Daniel Durchholz et Gary Graff, il ajoute: « Ils ont décidé d’appeler la police anti-émeute parce que 3000 enfants se tenaient debout dans la rue, il n’y avait pas eu de pillages, il n’y avait rien. Tout un escadron de la LAPD […] est arrivé avec des boucliers et des casques, se sont alignés de l’autre côté de la rue et je me suis dit « Wow! Pourquoi ils font cela? » Il n’y avait aucune raison à cela, je suis retourné à Topanga et cette autre chanson s’est transformée en For What It’s Worth. Tout est venu en une fois, et ça m’a pris environ 15 minutes. »

L’origine du titre choisi par Stephen Stills est un peu plus floue, personne ne connait la véritable explication. Les mots « for what it’s worth » n’apparaissent pas une seule fois dans la chanson. La légende raconte qu’il nourrissait peu d’ambition à l’égard de sa composition et qu’il aurait annoncé, avant de la jouer à son producteur, « J’ai cette chanson aussi, pour ce que ça vaut [en anglais: for what it’s worth], si vous la voulez. » D’autres racontent que Stills avait peur que le groupe ne soit trop politisé et devienne un groupe engagé qui dicte à ses fans ce qu’ils doivent faire ou penser. Il aurait donc appelé son nouveau titre For What It’s Worth, une manière de dire: « Voici mon opinion, vous n’avez pas à l’écouter.« 

Dewey Martin, Richie Furay, Stephen Stills, Jim Fielder et Neil Young
Dewey Martin, Richie Furay, Stephen Stills, Jim Fielder et Neil Young© Charlie Gillett/Redferns/GettyImages

Un groupe dont les membres deviendront des cadors de la musique

Au-delà du message et de l’histoire de la chanson, il faut aussi souligner le talent de ses interprètes et musiciens. Le groupe Buffalo Springfield est composé de trois excellents auteurs-compositeurs-chanteurs-guitaristes, Neil Young, Stephen Stills et Richie Furay, de Bruce Palmer à la basse et de Dewey Martin à la batterie. Sur For What It’s Worth, celui qui s’est le mieux illustré est Stills, mais sans les harmonies de Young, son jeu qui s’accélère et monte crescendo ainsi que les coups rapides et doux de Martin à la batterie, la chanson n’aurait pas eu autant de succès. Tous ces ingrédients, combinés aux choeurs chantant « Stop!… What’s that sound?« , interpellent et tiennent en haleine l’auditeur jusqu’à la fin, grâce au suspens qu’ils engendrent.

Une chanson toujours pleine de sens aujourd’hui

For What It’s Worth a été le seul vrai succès de Buffalo Springfield avant qu’ils se séparent, un an plus tard, après la sortie de leur troisième album Last Time Around. Elle a été reprise par de nombreux mouvements contestataires et l’est toujours aujourd’hui. Elle apparait dans le film Forrest Gump, lorsque le bataillon du héros se fait tirer dessus, au Vietnam, ce qui lui a valu un second succès. Plus récemment, la chanson a également été reprise lors des manifestations entourant la mort de George Floyd, aux USA.

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For What It’s Worth a été reprise par Ozzy Osbourne sur son album Under Cover, par le groupe de hard-rock canadien Rush, par Cher, par la grandiose Miriam Makeba dans une version soul, par les punks d’Anti-Flag et par les Écossais de Simple Minds ainsi que, dans un tout autre registre, par le Muppet Show qui a transformé le titre pour en faire un hymne anti-chasse.

Guillaume Picalausa

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