La fin de l’innocence

des cinq westerns d’Anthony Mann avec James Stewart, Les Affameurs reste un classique absolu, rendu à sa splendeur par la haute définition.

Au tournant des années 50, James Stewart et Anthony Mann devaient entamer une fructueuse collaboration, résultant en huit films, dont cinq westerns. Et autant de classiques, dont Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier ont pu écrire, dans 50 ans de cinéma américain, un ouvrage continuant à faire référence: « C’est ce que le genre a donné de plus parfait et de plus pur. » Sorti en 1952, deux ans après l’exemplaire Winchester 73, Les Affameurs (Bend of the River), le deuxième film du cycle, en apporte l’éloquente démonstration. Stewart y incarne Glyn McLyntock, un homme au passé incertain accompagnant une caravane de pionniers ayant quitté le Missouri afin de gagner les horizons plus hospitaliers de l’Oregon. Chemin faisant, il va sauver de la pendaison Emerson Cole (Arthur Kennedy), un aventurier qui va se joindre à la petite troupe engagée dans un périple où elle fera face à de nombreux périls -indiens Shoshones, rapides d’une rivière, cupidité des hommes bloquant leur ravitaillement à Portland en proie à la fièvre de l’or dès lors qu’ils pourraient en obtenir plus de prospecteurs…

La fin de l'innocence

Bend of the River reste, à plus de 60 ans de distance, un modèle du film de pionniers, ce sous-genre auquel se frottait encore récemment Kelly Reichardt dans Meek’s Cutoff. L’art de Mann est ici à son sommet, brillant tant par l’énergie de sa mise en scène que par l’utilisation magistrale qu’il fait des décors naturels, dominés par le Mount Hood. Soit un horizon à la mesure de la pièce en train de se jouer par-delà les péripéties d’usage, alors qu’à travers Cole, c’est son passé enfoui que voit ressurgir McLyntock, Stewart signant là une prestation hantée -il faut l’entendre menacer « You’ll be seeing me ». Et que les avancées de la civilisation ne vont pas sans prélever ce lourd tribut que Jean-Philippe Guerand appelle « la fin de l’innocence » dans le dossier consacré au film par L’Avant-Scène Cinéma, dont le fac-similé est joint à ce coffret Blu-ray/DVD. L’édition concoctée par Rimini est somptueuse en effet qui, non contente de rendre le film à sa splendeur originelle par la grâce de la haute définition, l’assortit de précieux compléments. La longue interview audio de 1973 où James Stewart retrace, non sans humour, son parcours en compagnie de Joan Bakewell se révèle ainsi un pur régal. Quant à la conversation qui réunit les critiques Mathieu Macheret et Bernard Benoliel, elle ajoute à l’analyse un éclairage intéressant sur le film, l’inscrivant dans la carrière de Mann comme de Stewart (le second initiant leur collaboration après avoir été enthousiasmé par La Porte du diable), tout en soulignant, à raison, l’héritage totalement assumé de John Ford, maître parmi les maîtres. Incontournable.

Les Affameurs (Bend of the River)

D’Anthony Mann. Avec James Stewart, Arthur Kennedy, Julia Adams. 1 h 31. Ed. Rimini. Dist: Coming Soon.

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