Critique | BD

[la bd de la semaine] Fungirl, d’Elizabeth Pich: fille de joie

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Drôle, trash, politiquement incorrecte, farouchement indé et aux antipodes des habituelles représentations de genre… Elizabeth Pich a tout pour elle.

Fungirl ne tient pas en place. Quand elle ne se masturbe pas, cette enfant hyperactive coincée dans le corps d’une jeune femme moderne n’en fait qu’à sa tête et multiplie les bourdes et les provocations: elle fait scandale dans les bars, se viande en skateboard, se fait passer pour une femme enceinte dans les bus, rend impossible la vie de couple de ses colocataires Becky (ex-copine noire) et Peter (gentil, vegan mais très mauvais en cunnilingus), fout le feu aux morts dont elle est censée s’occuper dans le salon funéraire où -miracle!- elle a trouvé du travail, quand elle n’amène pas des corps décomposés en classe de maternelle, couche avec tout le monde, et souvent n’importe qui, et comble -surtout- sa soif de vivre et son vide existentiel par une impulsivité réellement débordante. Un « Gaston Lagaffe féminin qui serait tombée enfant dans une bassine d’ectasy« , comme la décrit son éditeur Les Requins Marteaux, ou, comme lui assène Maxine Steele, ancienne championne de body-building reconvertie dans le coaching féministe: « Vous êtes un boulet dépourvu de toute ambition. Vous passez le plus clair de votre temps à traîner en sous-vêtements. La masturbation est votre passe-temps favori. Et la seule relation intime que vous puissiez gérer… C’est avec une pizza quatre fromages. » Bref, Fungirl est un personnage à la fois détestable, hilarant et attachant. Et ce n’est pas la moindre des qualités de ce roman graphique sorti il y a quelques semaines déjà, mais à ce point réussi et contemporain qu’il fait encore de l’ombre aux premières sorties de la nouvelle année!

Ébouriffant et décomplexé

Les amateurs de BD indé et de female gaze subversif connaissent déjà Elizabeth Pich, jeune Allemande biberonnée à la culture américaine qui fit d’abord sensation sur Instagram avec sa série de strips absurdes coécrits avec Jonathan Kunz, War and Peas (édité en français l’année dernière chez First Editions). Une école du rire, de la narration et du gag absurde que l’on retrouve en grande partie dans ce Fungirl, mais pas seulement: elle déploie cette fois derrière son dessin faussement gauche ses personnages Playmobil et ses récits courts, une seconde « histoire dans l’histoire » plus touchante que cocasse ou provoc’, et qui en dit long sur le besoin parfois désespéré d’émancipation des jeunes femmes d’aujourd’hui. Elle l’exprime de manière très engagée et sans concession, mais en emballant le tout de vomi, de sang menstruel et de cadavres décomposés pour le rendre audible. Et ça, c’est fun!

HUMOUR FÉMINISTE. Fungirl d’Elizabeth Pich, éditions Les Requins Marteaux, 260 pages. ****

[la bd de la semaine] Fungirl, d'Elizabeth Pich: fille de joie

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