Critique | Livres

La BD d’Anne Frank

Journal d'Anne Frank, d'Ozanam et Nadji © Éditions Soleil
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ADAPTATION | Oeuvre de salubrité publique, mais risquée, Le Journal d’Anne Frank est adapté avec doigté par le scénariste Ozanam et un jeune inconnu.

S’il est un livre lu, connu et infiniment commenté, c’est bien Le Journal d’Anne Frank, ce journal intime d’une jeune Juive allemande de 13 ans exilée aux Pays-Bas, et qui passera plus de deux ans cachée dans l’Annexe, espace de survie lui-même planqué dans les bureaux de l’entreprise de son père. Un journal qui restera, on le sait, à jamais inachevé: Anne comme ses parents et les autres occupants de l’Annexe seront raflés, après dénonciation, puis pour la plupart, comme Anne, gazés à Auschwitz, à quelques jours de la fin de la guerre et de la libération des camps de la mort. Un témoignage historique devenu patrimoine mondial, qui raconte comme aucun autre récit possible les horreurs du nazisme, mais aussi la peur, l’attente et les états d’âme d’une jeune adolescente comme les autres, malgré l’effroyable contexte. Tout le monde ou presque a lu, ou doit lire, Le Journal d’Anne Frank. Ce fut en tout cas la seule motivation du scénariste Antoine Ozanam au moment de s’attaquer, pour Soleil, à cette adaptation a priori impossible -comment faire « mieux », ou plus émouvant, que le journal original?- et pourtant très réussie: « Ma seule ambition était de faire lire ce journal à ceux qui ne l’auraient pas encore lu, et leur donner envie, après la BD, de lire le récit d’Anne. Et pour l’écrire, d’être Anne. Etre pour une fois dans le sacrement, et faire croire à tous que tous ces mots sont les siens. Etre dans ses chaussons et, surtout, ne pas la trahir. »

Pas de réalisme

La BD d'Anne Frank

Scénariste habituellement hors norme et souvent en colère, auteur de nombreux one shots par exemple chez KSTR marqués par une grande modernité et des choix difficiles, voire radicaux, Ozanam étonne effectivement cette fois par sa fidélité au texte et le doigté dont il fait preuve. Un doigté dont la réussite doit beaucoup au dessin de Nadji, jeune Lillois dont c’est ici la première BD, et le premier roman graphique. Un jeune auteur choisi comme souvent par le scénariste, qui savait précisément ce qu’il voulait, et ce qu’il ne voulait pas: « Lorsqu’on m’a proposé ce projet, j’ai mis plusieurs conditions non négociables: être libre, ne pas s’enfermer dans le carcan d’un album classique de 46 planches, encadrer le récit par des explications et une timeline replaçant le tout dans son contexte, y compris après la fin du journal d’Anne et, surtout, ne pas choisir un dessin réaliste: il fallait absolument un trait qui fasse journal, un dessin d’écriture, très spontané, comme l’est ce journal. » Dont acte: jamais le dessin de Nadji ne prend le pas sur les mots d’Anne. Qu’il faut effectivement lire, et ne jamais oublier.

D’OZANAM ET NADJI, ÉDITIONS SOLEIL, 144 PAGES.

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