Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Coup de poker – Sur la lancée de la reformation scénique d’NTM, le vétéran Kool Shen remonte sur le ring en solo.

« Crise de conscience »

Distribué par Universal.

L’an dernier, NTM remontait sur scène. Un événement: après une décennie d’absence, les piliers historiques du rap made in France enchaînaient 5 Bercy parisiens d’affilée! On a beaucoup glosé sur les raisons, toutes lucratives, de ce come-back. Une chose est sûre: sur scène, NTM n’a pas calculé, montrant à quel point la jeune génération du rap français avait encore du chemin avant de pouvoir proposer la même puissance de feu. Une tournée a logiquement suivi. Elle devait même passer par les festivals d’été. C’était sans compter une nouvelle « saute d’humeur » de Joey Starr, qui le renverra sur la case prison.

Interrompue, la série de dates devrait être honorée l’an prochain. En attendant, Kool Shen, moitié faussement posée du duo, sort aujourd’hui son deuxième album solo. En 2004, Dernier Round devait pourtant être un essai unique, une sortie de ring définitive. « Je voulais me consacrer à la production et à mon label IV My People. » Problème: la structure s’est révélée difficilement viable économiquement. En 2006, Kool Shen est obligé de mettre la clé sous le paillasson… « Alors j’ai recommencé à écrire. Parce que je me suis rendu compte que je ne savais pas faire grand-chose d’autre. »

Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de ce retour solo. Bien sûr, le timing est idéal – dans la foulée de la reformation d’NTM. En ouverture, J’Reviens propose d’ailleurs une intervention du camarade Joey Starr. « C’est un ego trip classique. Même si la production n’est pas la même, la façon de rapper non plus, c’est toujours le même exercice: « je suis parti, je reviens, je vais mettre les pendules à l’heure… » L’important c’est ce que dégage le morceau, l’originalité qu’on arrive à y mettre… » Ailleurs, le ton est plus batailleur, comme dans La France Hallucine, Grandeur et décadence« J’ai toujours fait la musique de cette manière. Un ou deux exercices imposés; des titres plus citoyens, un regard sur le monde; et puis une série de titres plus introspectifs. « A côté de Mauvaise école, Kool Shen enchaîne donc Salope.com, façon Eminem ( Crack A Bottle), pour titiller ceux qui profitent de l’anonymat du Net pour se pousser du col. « En même temps, Internet, j’y vais plus pour jouer au poker que pour mater les forums de rap. »

Enjeu

C’est l’autre fixette de Kool Shen. « Tout me plaît: la psychologie, la patience… Et puis, le poker ne fonctionne pas sans enjeu. Je ne parle pas de l’appât du gain, du côté vénal. Le jeu-même n’a aucun sens s’il n’y a pas de prise de risque. » C’est peut-être ce qu’il manque à ce Crise de conscience. Kool Shen le dit d’ailleurs lui-même: « A part me prendre des tomates, entendre quelques mauvaises critiques… Tout cela n’est pas grave. » Au niveau des textes, et même du flow, Kool Shen garde toujours l’inspiration. Les musiques, par contre, cèdent trop aux sons du moment ou aux déluges de synthés mélos (quand un chef-d’£uvre comme That’s My People se « contentait » de sampler Chopin…). Au final, Kool Shen finit par emporter la mise. Même avec un jeu parfois pourri. Roublard, va…

Laurent Hoebrechts

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