Critique | Livres

« Kérozène », le retour d’Adeline Dieudonné

3,5 / 5

Adeline Dieudonné, L'iconoclaste

Kérozène

269 pages

3,5 / 5
Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Adeline Dieudonné a survécu au succès de La Vraie Vie. Et en plus, elle n’a pas perdu la main. Se déployant selon une architecture qui rappelle les séries télé avec ses chapitres qui pourraient se lire comme des nouvelles, Kérozène raconte l’histoire de quatorze personnages – » si on compte le cheval mais qu’on exclut le cadavre » comme le précise la première phrase du roman-, que le hasard va faire se croiser dans une station-service ardennaise une nuit d’été. Parmi eux, Chelly, la prof de pole dance aux 43,7 K abonnés sur Instagram qui ne supporte plus les lamentations de son mari, Victoire, la mannequin qui voue depuis l’enfance une haine féroce contre les dauphins, ou encore Joseph, l’insipide représentant de commerce qui foire le plan cul de sa vie. Un échantillon de pauvres types et de femmes prisonnières d’un déterminisme social ou de genre. Voire les deux. L’humour noir et la férocité électrisent ce polar gore subtilement féministe qui ose toutes les audaces formelles, y compris se mettre dans la tête d’un cheval. Solidement installé sur le tapis roulant de phrases courtes et d’images percutantes, le récit observe cette humanité plurielle pas très reluisante à travers la vitre d’un surréalisme social. Une loufoquerie -certains diront une « belgitude »- parfois un peu trop appuyée. Mais que l’on pardonne volontiers à l’autrice. Son road-movie immobile est à classer dans le même tiroir que le délirant film à sketches argentin Les Nouveaux Sauvages de Damián Szifrón. Les aires d’autoroute ont toujours quelque chose de mystérieux. Maintenant on sait pourquoi.

Laurent Raphaël

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