Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

WEST SIDE STORY – AVEC SON 5E ALBUM, CE GRAND NÉVROSÉ DE KANYE WEST SORT UN DISQUE RICHE ET COMPLEXE. L’UN DES ALBUMS DE 2010.

« MY BEAUTIFUL DARK TWISTED FANTASY »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

Il y a d’abord la pochette: une peinture de l’artiste George Condo, dans laquelle un homme (?) noir se fait grimper dessus par une femme (?) blanche ailée. Réussie ou pas, là n’est pas la question. Hey, on parle bien d’un disque de hip hop, non? Cherchez l’erreur… En fait, depuis longtemps Kanye West a quitté le rap game. Trop étroit pour lui. Le bonhomme a un ego à soigner -sa principale force en même temps que le bâton qu’il tend en permanence pour se faire battre.

En 2010, Kanye West aura continué son travail de sape. On le pensait un peu paumé après l’album 808’s & Heartbreak, disque de rupture. Ces derniers mois pourtant, il a à nouveau réinvesti l’espace médiatique à la manière d’un rouleau compresseur, ne trouvant que Lady Gaga pour lui contester sa place centrale dans la culture pop actuelle. Son arme: une certaine mégalo qui a par exemple culminé avec la vidéo de Runaway, longue de… 35 minutes.

Mille-feuille

Tout cela pourrait passer pour de l’agitation, mais alors d’autant plus vaine que Kanye West y met un certain panache. Qui sème l’emphase, récolte le pilori? Ce serait tentant. Sauf que le bonhomme n’arrive pas à sortir un vrai mauvais disque. Les critiques de My Beautiful Dark Twisted Fantasy se sont même récemment emballées: Kanye West aurait sorti son chef-d’£uvre, voire le disque de l’année. Et si c’était vrai?

De prime abord, l’£uvre est imposante. La plupart des 12 chansons dépassent les 5 minutes, Runaway s’étendant même sur plus de 9 minutes. Chacune est une somme en soi. Aucun remplissage ici, mais bien à chaque fois un mini-tableau, une pièce à disséquer longuement, jouant aussi bien sur la longueur que sur les couches. Jusqu’à l’absurde: My Beautiful Dark Twisted Fantasy est le seul disque de 2010 où vous pourrez entendre des ch£urs mêlant indistinctement les voix d’Alicia Keys, La Roux, Rihanna, Kid Cudi, Elton John, John Legend, Fergie… ( All of the Lights). Ailleurs, le casting mélange Jay-Z et Bon Iver, des samples de Manu Dibango et Aphex Twin, Gill Scott-Heron et King Crimson. Un vrai mille-feuille.

My Beautiful Dark Twisted Fantasy est à la fois direct, instantané, et en même temps touffu et névrotique, reflet de la psyché tourmenté du bonhomme. C’est à nouveau ce qui le rend passionnant, à la fois blockbuster et séance de divan intime. La musique est d’abord une question de conviction. Celle de Kanye West est inébranlable. Y compris quand il doute ou livre ses contradictions ( « Praise due to the most high, Allah/Praise due to the most fly, Prada » sur So Appalled). « No one man should have all this power », répète-t-il sur Power, lucide sur le fait que ce sont ses « vices » qui font aussi son succès.

Fondamentalement, My Beautiful Dark Twisted Fantasy ne bouleverse pas l’univers du rappeur (à cet égard, 808’s & Heartbreak était plus risqué). Il ne révolutionne pas non plus la pop actuelle. Par contre, il la résume parfaitement et lui redonne de l’épaisseur et de l’ambition. Le disque de 2010? Believe the hype…

LAURENT HOEBRECHTS

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