Jonsi le Magnifique

© DR

Partiellement enregistré à l’Ancienne Belgique, l’album live qu’a concocté Jonsi, l’Islandais de Sigur Ros, est tout simplement magistral.

On se souvient d’un mot de Philippe Garnier, clairvoyant journaliste-écrivain français: « C’est dur d’écrire sur le plaisir ». D’autant plus quand le lien humain avec le protagoniste n’a aucune évidence: issu de la brumeuse Sigur Ros, Jonsi est gay, camp, né aveugle de l’oeil droit, trentenaire (1975), citoyen d’un bizarre micro pays volcanique récemment en faillite. Pas forcément proche de nous donc.

Quand on le rencontre au printemps dernier, carburant à un cocktail de mazout verdâtre non identifié avant un show radio, la conversation est courtoise mais banale. Très en dessous des sensations d’un premier disque solo, baptisé Go pour l’allant donné à la musique. La pop se révèle miraculeuse, parfois si proche de la musique liturgique que toutes les barrières païennes et religieuses implosent naturellement: c’est le premier plaisir.

On plane déjà mais via ce double live, le décollage s’accélère. Le son est délicieux, précis, organique, bourdonnant, amniotique, épongeant les incompréhensibles grondements de la langue islandaise, ce latin viking, incarnés dans la voix de Jonsi. Une bonne partie des chansons est en anglais, ceci dit. Peu importe. Ce mec, poids plume dans la vie, impressionne en Cassius Clay des notes hautes, Callas mâle des arias désurgelés: sa voix entre deux mondes, deux sexes, est faramineuse. Elle emmène la note et l’auditeur en voyage, sans se préoccuper un instant du billet retour.

Le CD reprend les neuf titres du Go studio et y rajoute cinq inédits, tous incendiaires de la banquise: Jonsi est complètement immergé dans sa musique, ses musiciens également. Ni trop d’effets, ni trop de pathos, mais une vraie raclée sentimentale. L’Ancienne Belgique, où l’enregistrement a eu lieu le 29 mai, doit encore s’en souvenir.

Drôle de zoo

Le second plaisir est dans la captation visuelle du concert à Londres en mars: Jonsi a demandé aux spectateurs de venir habillés en « animaux ». Un côté bestiaire qui va bien à ce drôle de zoo où les belles images live sont mixées, patinées, troublées, piratées par d’autres sources graphiques ou non, qui les amènent à l’état de parchemins ou de papyrus musical.

Le travail sur l’image entretient une nouvelle confusion, volontaire, entre ce qui se passe sur scène et ce qui est rajouté a posteriori. Au premier morceau (Hengilas),les musiciens semblent prendre feu par le miracle de la projection. Plus loin, sur le magnétique Kolnidur, des animations dignes d’un Tim Burton s’intègrent si bien dans l’image qu’on les croirait siamoises depuis le début des temps.

Sans jamais tomber dans un surpoids visuel, le DVD incarne la musique de Jonsi avec ponctualité: jusqu’au final de Grow Till Tall où le chanteur, coiffé en sioux des geysers, fait péter tous les sismographes dans un carnaval de sons qui est aussi une montagne de plaisirs. Brillant.

Jonsi, Go Live , CD/DVD distribué par EMI.

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‘go live’ preview from Jónsi on Vimeo.

Philippe Cornet

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