Critique | Musique

Jessie Ware – Devotion

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Entre pop glacée et soul moderne, Jessie Ware sort un premier album aussi charnel que sophistiqué. La fille cachée de Sade?

JESSIE WARE, DEVOTION, DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL. ****

Il suffit d’abord de jeter un oeil à la pochette de Devotion, premier album de la Londonienne Jessie Ware. Noir et blanc glacé, profil hiératique sur chignon geisha, barré par le titre, aussi simple qu’intimidant. C’est sûr: Jessie Ware n’est pas une diva pop comme les autres.

Elle n’en a pas le côté flashy. Ni forcément l’âge non plus: à bientôt 27 ans, Jessie Ware aurait déjà pu être prise dans la « machine » pop depuis longtemps. Certes, elle est bien passée par l’une de ces écoles londoniennes où les disciplines artistiques sont prises autant au sérieux que les maths (Alleyn’s school, où sont passés Jude Law, Florence Welch…). Mais quand elle en sort, c’est pour prolonger avec une licence en anglais à l’Université du Sussex, à Brighton. Le but est de devenir journaliste (son père est reporter pour la BBC). Elle est notamment embauchée au Jewish Chronicle, commente les matchs de foot. Un jour, son pote de promo à l’Alleyn’s school, le chanteur Jack Peñate lui passe un coup de fil: il lui propose de faire des choeurs lors d’une BBC Session. Elle embarquera finalement pour la tournée…

La suite est limpide. Le pied remis à l’étrier, elle se retrouve alors mise en contact avec SBTRKT, le pseudo d’Aaron Jerome, star post-dubstep. C’est à ce moment-là qu’on fait sa connaissance: sur le premier album de SBTRKT, elle prend le titre Right Thing To Do à son compte. Re-belote avec The Vision, chanté cette fois-ci pour The Joker, autre cador de la bass music made in UK.

Avec Devotion, Jessie Ware montre aujourd’hui qu’elle n’est pas qu’une vocaliste à « featuring ». Elle assume ses envies solo. Même du bout des lèvres. Même en y mettant la distance nécessaire. Cela se sent dans ses interviews -où elle pratique volontiers l’autodérision. Cela s’entend aussi dans ce premier album qui cultive ce paradoxe d’être à la fois charnel et glacé. Les médias anglais ont rapidement évoqué un croisement entre The xx et Sade. Ce n’est pas faux. Elle a parfois le côté figé des uns et l’élégance de l’autre.

L’ambiance générale de Devotion est à la sophistication, entre expérimentations dance et vernis pop. Vocalement, Ware jongle entre une série de grains et de couleurs différents. Appelez ça de la flexibilité ou de l’opportunisme, en attendant le fait est que la chanteuse sonne toujours juste. L’exemple le plus brillant est sans doute le single 110%, où elle mélange les registres avec une facilité déconcertante -détachée, minaudante, pressante-, parfait contrepoint au sample du rappeur Big Punisher (« Carving my initials on your forehead »). La plupart du temps, on pense à une Alicia Keys qui en garderait sous la pédale. Ailleurs, sur Sweet Talk, par exemple, sucrerie au glacis très eighties, on croit presque entendre un morceau caché de Whitney Houston, tandis qu’à sa manière, No To Love ou surtout Running en disent pas mal sur l’admiration que Ware voue à Chaka Khan. La Londonienne est également capable d’emphase: Wildest Moments n’est pas loin de l’hymne triomphal. Mais si elle chante « Baby, in our wildest moments/We could be the greatest », elle se reprend deux lignes plus loin: « Baby, in our wildest moments/We could be the worst of all. » Chassez le naturel…

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