Irréversible Dimitri from Paris

Comme chaque lundi, Guillermo Guiz jette un regard sur le rétroviseur embué de la nuit. Night in Night out, Episode 11.

Ca commence dimanche matin, 5h30. Par un chiffre farfelu à vérifier. 15 euros de parking? 15 euros de parking!!! Coup d’oeil perplexe à la ploucomobile. Saleté? Pareil qu’avant. Enjoliveurs giga-Ronny? Pareil qu’avant. Coffre impossible à ouvrir? Pareil qu’avant. Pas la moindre trace, pour 15 euros, d’un petit coup de poliche. Sympa comme métier, bâtisseur de parking, ça rend le compte en banque turgescent. Puis fais le calcul: 10 euros l’entrée, 1 euro de vestiaire, 2 euros de toilettes si t’as pas la vessie en malle-poste, 2 euros pour le portier, 15 euros de parking = 30 euros dans ta face avant même d’avoir aperçu la couleur du bar. T’as intérêt à aimer le Fanta (4 euros). Ou, comme moi, à suinter le désespoir. « Aubergiste, DEUX vodka-Perrier (20 euros)! » Coup double aussi obligatoire que vain pour un sorteur en perdition. Meurt-on d’ennui? Je palpite encore. Mais j’ai un nouveau poil blanc sur le corps.

Rembobinage. Il est 1h30. Après ses incursions répétées au Louise, la soirée I Love My City plante ses pénates dans le classieux resto d’Antoine Pinto, Midi Station. Classieux, mais colossal. Et pas spécialement propice, avec ses plafonds-cimes, son design élégant et sa piste de danse congrue, aux festoiements paillards de la nuit. Clairement, pour paraphraser Sara Mandiano (quoi, mes références?), j’ai des doutes, voire des a priori du samedi, bientôt transformé en a posteriori du dimanche.

De fait, I Love My City, c’est le genre de soirée surpeople où tu passes de joues en joues. Sans t’arrêter, à bisouiller des belles et beaux gosses qui ignorent ton prénom. Danser? Ca froisse le tissu. Ca craquèle la peinture faciale. On n’est pas là pour ça. Costards cintrés, gel ThunderDome, écharpes en soie, les mecs sont fichtrement tunés, histoire de donner le change aux nappes de filles qui, ficelées à mort, portent sur leurs visages 14% de la production mondiale de maquillage. « C’est toi qui m’a demandé une capote l’autre jour, au Wood », m’apostrophe un inconnu qui ne l’est apparemment pas tant. « Heu…, wais, ptetr… » Flou. « Passe-moi ton numéro, je fournis les bouteilles, tu fournis les meufs. » Authentique.

Puisqu’il faut être beau ou mourir, je m’inquiète: « Ca va, je tiens la route? » « Ben je préfère quand t’es en noir, là, ta chemise, elle fait un peu bûcheron », me glisse, avec une franchise McDo ma pote Julie G. Laquelle, quatre heures plus tard, jouera les scandaleuses jouissives et dansantes au bord de la piste, matée avec mépris par une brochette de poufs olympiques sanglées dans leur robes de poseuses. Le problème, dans les soirées people, c’est que si t’es pas de dedans, t’es salement en-dehors.

Heureusement que Didier Jockey, dans son set housy-R’n’B calibré Fun Radio en plus digne, a la lumineuse idée d’insérer des tueries old-school style Push It des Salt’n’Pepa ou Murder she Wrote de Chaka Demus & Pliers.

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Puis, malgré l’aspect populo-guindé-m’as-tu-vu de leurs sauteries, personne ne peut enlever à Isam et Sébastien l’énorme mérite de divertir qui aime ça et surtout mélanger les couleurs de peau. Comme disait mon grand-père, ou en tout cas un type vieux, c’est toujours ça de pris sur l’ennemi, surtout à Bruxelles où la denrée multiculturelel, en mode nuit, n’a rien d’un classique.

Rembobinage. La veille. Sorti du lit à 1h30, curieux de découvrir ce que le Bal Masqué d’Anarchic avait dans le bide. Curieux aussi de voir si les ultra-blindées Folies Bourgeoises, assurance tout fric de Pierre Masse & Co, allaient saper dans la clientèle des gamins de Play Label, à qui Benoît Vano a confié les clés de son concept. Que nenni, c’est full. Comme prévu, les Folies ont transformé le Spirito en cocotte minute, mais pas au détriment d’Anarchic, preuve, si nécessaire, que la fête appelle la fête.

Je débarque au K-Nal vers 2h, pour une soirée Bal Masqué inspirée de la partouze géante d’Eyes Wide Shut. Fred de Play Label avait d’ailleurs évoqué l’idée de confronter les Tom Cruise libidineux aux seins offerts de filles en cape, seulement vêtues d’un string et d’un loup. Las, le pervers qui sommeille (?) en moi n’aura droit qu’à la nudité velue de Jérôme Naturel. Et le zbunch à l’indépendante encore bien, puisque mini-Jérôme est lui aussi paré de son masque. Déception.

Avec des carrés noirs et blancs tapissés sur le sol et ses grandes figures masquées, la déco a de la gueule. Mais soyons francs: les soirées où les designers pouvaient tripatouiller gaiement dans des budgets insensés, c’est du passé. On fonctionne à l’économie dans la nuit bruxelloise, la crise a flingué tout le monde. Planté entre le DJ-booth et le bar du fond, le taulier Cosy M. souligne, poète: « Jamais vu un tel poulailler en haut, incroyable le nombre de biches au mètre carré ». M’étais juré d’être calme, fémininement parlant… Je monte.

De fait, à l’étage, les bombasses ont sorti l’artillerie lourde, les plus pimpées ont des « je sais chui bonne » tatoués dans les yeux. Mais j’ai juré d’être impassible. Perrier ce soir, sans vodka. Et donc? Le goût de danser. Seul. Profiter du set éclectique de GilLeson et Fred, qui passent Run DMC, ACDC ou Blondie, avant de taper le sublime remix de My Moon My Man de Feist par Boys Noize.

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Danser, seul sur une piste, un fondamental duquel mes pitreries de mâle en rut ont trop souvent tendance à me détourner. Danser en bas enfin, puisque le tout prometteur Laurenzinho joue au poil la carte de l’électro bondissante, pointue mais pas trop, avec Vitalic en track-à-jouir.

L’ambiance y est. Au point de voir Lorenzo Ottati, l’un des DJ’s meubles des soirées bruxelloises, choper le micro et lancer un pétaradant « Andiamo!!! » de foire au boudin qui me fait bien loler (copyright Myriam L.). Un pic. Avant que les talons aiguilles ne commencent à patauger dans le verre brisé et que le taux d’alcoolémie généralisé menace gentiment mon taux de tolérance. Alors je rentre. Je rentre et je repense au petit bonheur sur pattes de la veille, aux remixes de Dimitri From Paris, à cette soirée du jeudi soir goulue, goûtue, croustillante, à l’anniversaire d’un Parc Savoy tant raillé qui, pour le coup, m’a offert deux des plus belles heures de mon année.

Jeudi, j’y repense, c’est une sibylline inscription, plaquée noir encre sur blanc papier dans les toilettes du Parc Savoy: « N’oubliez pas Malou: 50 cents ». Un soir, j’irai balader cette chronique dans les assiettes pipi des Malou (nichons), Jacqueline (mamy) et autre Thérèse (prénom d’emprunt), voir ce qu’elles voient, sentir ce qu’elles sentent, juger ce qu’elles jugent. Mais Malou, ça pue le pseudo à pleins cheveux. Sûr que la meuf s’appelle Kimberley en vrai. Et qu’on l’a calmée à l’hollywoodienne: « Kim, t’as tout ce qu’il faut, la gentillesse, l’abnégation, la compassion, la résistance, mais ton prénom… comment te dire… c’est compliqué. Si tu veux percer dans le métier… Qu’est ce que tu penses de Malou? »

Adorable par ailleurs, la dame Malou, dans une chaude ribouldingue placée sous le signe jubilatoire et ému du partage, de la communion. Comme si la Nuit Magique de Catherine Lara couchait avec les Good Vibrations des Beach Boys. Baiser et clubber, même combat, c’est toujours plus intense avec de vrais sentiments. Où que l’on soit. Même au Parc Savoy. Qu’on me mette Dimitri From Paris et mes amis les plus chers dans cette niche à huppe et hop, je te mouille ma culotte jusque dans ces lignes. Putain qu’elle était belle cette soirée. Qu’ils étaient beaux les yeux bientôt mariés de Selena S., le regard doux de Benoît D., le crâne luisant de DJ K., la coupe punky-Maghreb de Soufiane C., l’enthousiasme sautillant d’Anaïs D., les références musicales de Simon le S. et la stache de Dimitri From P.. C’est pour ça qu’on vit, copain. Rideau.

Guillermo Guiz

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