On présente souvent Internet comme l’eldorado des amateurs. Quelque part entre le furoncle sur la face du capitalisme et le bras d’honneur à la technocratie. Sur le Net, chacun est en effet libre de lancer sa bouteille ébréchée à la mer (musique, film, BD…) sans être obligé au préalable de convaincre une armée de quality managers du retour sur investissement de l’opération. Revers de la médaille: aucune garantie de résultat… sauf pour l’ego. Car même si le poisson qui arpente les océans virtuels ne mord pas, au moins on a mis une ligne à l’eau. Parce que sa corde sensible vibre à l’unisson des révolutions, l’industrie musicale a pris en pleine poire ce vent de fronde. Et y a d’ailleurs laissé quelques plumes. Le piratage à grande échelle, cette vaste entreprise de recel alimentée et pilotée par des Robin des bois des temps modernes, est passé par là. Une plaie suintante encore aggravée par la fuite des « cerveaux ». Chaque jour, des artistes plus ou moins accomplis, portés par une vague de clics et un bouche à oreille à haute combustion embrasant les réseaux sociaux, remontent des profondeurs du Web. Quand cet élan spontané de soutien diffus se structure, on passe du stade bricolage, où chacun y va de son petit commentaire, au mode participatif. L’esprit de fraternité tient toujours lieu de totem mais on grimpe d’une division. Les plateformes comme Akamusic ou Mymajorcompany, qui ratissent le Net à la recherche de « producteurs » prêts à mutualiser leurs petites économies pour faire germer des artistes en herbe, jouent sur ce terrain-là. Elles fédèrent les énergies, les canalisent et donnent aux uns le sentiment de participer activement à une expérience artistique, avec à la clé un hypothétique bénéfice, et aux autres la possibilité de se faire une place au soleil – dans le meilleur des cas du moins – sans forcément passer par la case major. Dans la foulée, le cinéma et la BD ont également sauté dans le train de la collégialité. Sandawe, qui déboulera en janvier prochain, se présente comme une « tribu d’édition », passerelle entre des passionnés mécènes – les édinautes – et des auteurs de BD dont ils pourront suivre le travail à chaque étape. Du sur mesure pour éviter la noyade assurée dans le flot des parutions annuelles (4600!). Même principe ou presque pour People for cinema, mais dans le 7e art. Et les ogres de l’industrie du divertissement dans tout ça? Ont-ils rendu les armes? Pas sûr. Passé le premier round qui les a un peu sonnés, les poids lourds du secteur sont bien décidés à reprendre les choses en main. Comment? En cueillant tout simplement les plus beaux bourgeons qui ont poussé sur la branche communautaire. Exemple: l’Américain Lala. Créé en 2006, ce marché en ligne d’échange gratuit de CD, devenu entretemps un service de streaming payant alimenté par différents labels, vient d’être racheté par… Apple, le boss d’iTunes. Et voilà comment, l’air de rien, tout le monde rentre dans le rang.

Retrouvez la chronique sur les séries télé de Myriam Leroy, tous les jeudis à 8h45, sur PURE FM

Par Laurent Raphaël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content