Glass: le meccano de M. Night Shyamalan

Le dernier volet d'une trilogie s'étalant sur 19 ans. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Glass orchestre l’improbable fusion entre les univers de Split et de Unbreakable. Audacieux, sans doute, mais guère concluant pour autant…

L’apparition clin d’oeil de Bruce Willis à la fin de Split, le précédent long métrage de M. Night Shyamalan, annonçait la couleur: le cinéaste américain entendait rien moins que raccorder l’univers du film, gravitant efficacement autour du trouble dissociatif de l’identité, à celui d’Unbreakable, thriller fantastique investissant le monde des super-héros réalisé par ses soins en… 2000. Postulat vérifié aujourd’hui avec Glass, qui forme avec les deux opus précités une imposante mais improbable trilogie s’étirant donc sur 19 ans. Soit un pari doublement audacieux, au tour de force narratif s’ajoutant l’optimisme d’un réalisateur s’imaginant que l’essai initial est resté gravé dans toutes les mémoires…

On ne peut en tout cas reprocher à Shyamalan de manquer de suite dans les idées, lui qui avait envisagé un pendant à Unbreakable dès sa sortie. Les résultats mitigés du film au box-office tempéreront l’enthousiasme des financiers (à quoi les ventes DVD apporteront toutefois un correctif), avant que le temps, et le succès de Split, en 2017 (278 millions de dollars de recettes pour un budget de neuf millions), ne viennent changer la donne. Ne restait qu’à réunir les studios détenteurs des droits des deux films originaux, Buena Vista et Universal, autour d’un même projet, pas le moindre des écueils, pourtant surmonté sans accrocs.

Au-delà des capes

Glass: le meccano de M. Night Shyamalan

Présentant les portraits de Samuel L. Jackson, James McAvoy et Bruce Willis, l’affiche de Glass fait penser à un mashup où le réalisateur aurait rassemblé les héros de ses différents films (manque malheureusement à l’appel Joaquin Phoenix, et son inoubliable couvre-chef en papier-alu de Signs). En quoi il ne fait jamais que s’aligner, de façon somme toute logique, sur les raouts de super-héros façon Avengers qui, dans la foulée des comics dont ils s’inspirent, ont fait leur miel de la formule. Il y a de cela, en effet, dans un scénario qui envoie dans un premier temps David Dunn, l’homme incassable (Willis, reprenant son rôle de Unbreakable), ferrailler avec The Beast (McAvoy, dans l’une de ses 24 identités de Split), Elijah, l’homme de verre (Jackson, revenu de Unbreakable lui aussi), n’en perdant pas une miette dans sa semi-inconscience. Et le trio de se retrouver bientôt sous bonne garde dans une institution psychiatrique, cadre essentiel d’un récit exacerbant d’anciennes rivalités, non sans puiser sans frein dans la mythologie super-héroïque, objet de diverses mises en abyme plus ou moins bien senties: « Il faut voir au-delà des capes », professe doctement Elijah; entendez qu’il ne faut pas se fier aux apparences, pas plus qu’au premier collant en spandex venu.

Si la greffe vaut ce qu’elle vaut -la première demi-heure du film, en particulier, tient du fourre-tout guère éloigné du n’importe quoi-, Shyamalan insiste sur la cohérence du projet. Et de rappeler que le personnage de Kevin Wendell Crumb, identité première de James McAvoy dans Split, aurait déjà dû être d’Unbreakable, où il aurait affronté David Dunn, l’équilibre narratif de l’histoire contraignant toutefois le réalisateur à l’en évincer. À charge de revanche, donc. Glass s’inscrit du reste limpidement dans la continuité de cet opus fondateur, objet de fréquents rappels, auxquels Shyamalan a préféré adjoindre des scènes coupées de l’original plutôt que de générer les flash-backs par ordinateur. Pour que l’illusion soit parfaite, le cinéaste n’a d’ailleurs pas demandé qu’aux stars d’ Incassable de reprendre leurs anciens costumes: 19 ans plus tard, Spencer Treat Clark et Charlayne Woodard sont également de retour, lui dans le rôle du fils de Bruce Willis, elle dans celui de la mère de Samuel L. Jackson. Manière astucieuse de recoller les morceaux de l’histoire…

Dire, pour autant, que l’opération soit totalement concluante, serait trahir la vérité. Objet sans nul doute fascinant, Glass tient plus d’un bricolage habile que du thriller haletant: le scénario, une fois entré dans le vif du sujet, ne s’écarte guère d’un schéma prévisible; McAvoy en fait des caisses et plus encore (trop d’identités tue l’identité); quant au twist final, autre signature du réalisateur, il n’étonnera pas grand monde. Morale de l’histoire: si les (super-)héros ont vieilli, les tours de passe-passe de Shyamalan également, et ce Glass tenant du bois de rallonge risque fort de laisser le public de glace…

Glass. Thriller fantastique de M. Night Shyamalan. Avec James McAvoy, Samuel L. Jackson, Bruce Willis. Sortie: 16/01. ***

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